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MONTLOSIER
ET
LES CONSTITUTIONNELS
PENDANT L’ÉMIGRATION
D’APRÈS DES DOCUMENS INÉDITS[1].

Dès les premiers événemens qui la suivirent, l’émigration fut jugée par les libéraux comme elle l’a été plus tard par l’histoire. « Il y a des devoirs inflexibles, en politique comme en morale ; le premier de tous est de ne jamais livrer son pays aux étrangers, alors même qu’ils s’offrent pour appuyer avec leurs armées le système qu’on regarde comme le meilleur. » Ainsi s’exprime l’éloquent écrivain des Considérations sur la révolution. Ainsi pensait Mallet Du Pan. Ainsi parlait Malouet dans sa Lettre aux émigrans. Il ne les blâmait pas de quitter la France, il les invitait à écouter d’autres conseils que ceux du ressentiment. « Si vous mêlez vos ressentimens à une colère étrangère, disait-il, quelque fondés que vous soyez dans vos griefs, vous n’êtes plus des citoyens français. Pour venger vos injures, il faut les oublier. » Ni les violences, ni les injustices, n’étaient en effet la révolution. Elle était indépendante des excès qui la signalaient. Mais elle dut plus qu’on ne le croit à l’émigration systématique le caractère qu’elle prit dès les premiers jours.

  1. Voyez la Revue du 15 décembre 1874.