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plaçait la femme, et la privation de son emploi dans la magistrature réduisait le mari. Naturellement, comme il arrive toujours dans notre pays, c’est aux fonctions publiques que l’on pensa. Sans avoir nul rapport avec le gouvernement, ni même avec M. de Talleyrand, alors ministre des relations extérieures, c’est à ce département qu’il fut attaché. Il y obtint sinon une place, du moins une occupation devant donner lieu à une place, dans le contentieux du ministère.

A côté de la relation purement agréable et intellectuelle de Sannois, les habitans de Saint-Gratien avaient noué des liens moins intimes, mais qui devaient avoir une plus grande influence sup leur destinée, avec Mme de Beauharnais et sa fille, Mme Bonaparte. Lorsque celle-ci devint puissante par la toute-puissance de son mari, Mme de Vergennes lui demanda son appui pour son gendre qui désirait entrer au conseil d’état, ou dans l’administration. Mais le premier consul, ou sa femme, eurent une autre idée : la considération dont jouissait Mme de Vergennes, sa situation sociale, son nom qui appartenait à la fois à l’ancien régime et aux idées nouvelles, donnaient alors un certain prix à la relation du palais consulaire avec sa famille. On y avait en ce temps peu de rapports avec la société de Paris, et, tout à l’improviste, M. de Rémusat fut nommé en 1802 préfet du palais. Peu après Mme de Rémusat devenait dame pour accompagner Mme Bonaparte, ce qui s’appela bientôt dame du palais.


III

On n’avait nul sacrifice à faire, quand on pensait comme M. et Mme de Rémusat, pour se rallier au nouveau régime. Ils n’avaient ni les sentimens exaltés des royalistes, ni l’austérité républicaine, Sans doute ils étaient plus proches de la première opinion que de la seconde, mais leur royalisme se réduisait à une vénération pleine de piété pour le roi Louis XVI. Les malheurs de ce prince rendaient son souvenir touchant et sacré, et sa personne était dans la famille de M. de Vergennes l’objet d’un respect particulier ; mais on n’avait pas encore inventé la légitimité, et ceux qui déploraient le plus vivement la chute de l’ancien régime, ou plutôt de l’ancienne dynastie, ne se sentaient nulle obligation de penser que ce qui se faisait en France sans les Bourbons fût nul en soi. On avait une admiration sans nuages pour le jeune général, revenu tout couvert de gloire, qui rétablissait avec éclat l’ordre matériel, sinon moral, dans une société tout autrement troublée qu’elle n’a été plus tard lorsque tant de sauveurs indignes se sont présentés. Les fonctionnaires d’ailleurs avaient conservé cette opinion, très naturelle