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agaçante qu’on ne sait comment s’y prendre pour faire l’essentiel sans aller trop loin. Ce qui serait beaucoup plus grave, ce serait qu’à propos de cette question égyptienne et de la question grecque il se fût élevé, comme on s’est un peu hâté de le dire, quelques nuages entre la France et l’Angleterre. Que la France ait mis un peu plus de chaleur dans les affaires de Grèce, dans la défense d’intérêts et de droits communs à Alexandrie ; que l’Angleterre, détournée par d’autres entreprises, ait mis quelque froideur à seconder notre diplomatie, c’est possible. Il ne peut y avoir d’autre complication, d’autre nuage. S’engager dans cette voie de dissentimens et de récriminations ce serait trop visiblement subordonner à des questions relativement secondaires des relations générales, permanentes, où les deux pays peuvent trouver d’égales garanties, un égal intérêt.

L’évolution qui s’accomplit, qui s’accentue de jour en jour en Allemagne sous la vive et forte impression de M. de Bismarck, cette évolution, sans se rattacher directement ou ostensiblement aux affaires générales de l’Europe, a certes de l’importance. Elle a eu, au moins en apparence, un point de départ tout économique, elle prend de plus en plus maintenant un caractère politique, elle arrive à être une sorte de révolution dans la direction et les alliances intérieures du gouvernement, dans toutes les combinaisons parlementaires. Au moment où tout se prépare à Berlin pour la célébration des « noces d’or » du vieil empereur d’Allemagne, qui n’auront pas moins d’éclat que les récentes « noces d’argent » de l’empereur d’Autriche, la campagne engagée par M. de Bismarck pour la politique commerciale suit son cours à travers des incidens qui en dégagent par degrés la portée et la signification.

Ce qui est évident, c’est que, si le chancelier a pris son temps, s’il a longuement médité avant de se mettre en mouvement, il est désormais en pleine opération stratégique et il paraît tout décidé à aller jusqu’au bout. Les mesures commerciales sont visiblement une partie du système dont il poursuit l’application, et il est bien clair qu’une fois parti il ne s’arrêtera pas pour quelques difficultés, pour quelques résistances. Il n’est pas assez naïf pour s’être dissimulé quelques-unes des conséquences ou des conditions de la révolution économique dont il a pris l’initiative en proposant de relever les tarifs des douanes allemandes sur la plupart des objets d’importation, particulièrement sur les plus essentiels, les fers, les céréales. Il savait bien qu’il ne pouvait faire réussir ses projets dans le Reichstag que par de nouvelles combinaisons parlementaires. Il n’ignorait pas qu’il allait se trouver entre les nationaux-libéraux qui l’ont bruyamment soutenu jusqu’ici, sur lesquels il ne pourrait plus compter, et les conservateurs, le centre catholique dont il s’est séparé par sa politique religieuse, dont il avait à reconquérir l’appui. Il n’a point hésité, il s’est rapproché de ceux qui pouvaient lui donner une majorité, en se réservant sans doute de mesurer le