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Les idées d’Hippocrate sont extrêmement confuses. Il admet qu’il y a dans le corps quatre principes élémentaires : le sang, la pituite, la bile jaune et la bile noire ; toutes ces humeurs viennent du ventre où passent les boissons et les alimens. C’est dans le cœur qu’il y a le plus de chaleur. L’air pénètre dans les poumons et de là va au cœur, où il refroidit le sang.

Les idées d’Aristote, quoique plus précises, sont aussi erronées. Une de ses expériences a exercé une influence funeste sur la physiologie de Galien et par conséquent sur tout le moyen âge, qui suivait aveuglément les traditions des anciens. En liant la trachée d’un animal mort et en insufflant de l’air dans ce canal avec un soufflet, Aristote aurait vu l’air pénétrer par la veine pulmonaire jusque dans le cœur. Par conséquent la pénétration de l’air dans le cœur est acceptée par Aristote comme un fait positif. L’air arrive au cœur pour refroidir le sang. Le cœur est la source de la chaleur, et c’est cette chaleur qui transforme les alimens en liquide sanguin.

Le cœur, dit Aristote, est comme un autre animal vivant en celui qui le contient. C’est l’acropole du corps, c’est en lui que réside l’âme animale qui y brûle. Deux choses sont nécessaires pour vivre. C’est d’abord la chaleur du cœur, et la transformation des alimens que cette chaleur rend animés et semblables au sang, et ensuite la réfrigération par l’air qu’on respire, ce qui empêche la chaleur de brûler le cœur. Il y a donc deux sortes de consomption, deux sortes de mort, la mort par la chaleur excessive du cœur, la mort par le froid et l’absence d’alimens. Tous les animaux ayant du sang ont un cœur : chez ceux qui n’ont pas de cœur, la vie est entretenue par l’âme sentante qui est le principe de la vie. Le cœur se développe de très bonne heure. Chez l’embryon, on voit un point animé de mouvemens contractiles. Le sang vient donc du cœur, car on voit du sang dans le cœur avant que les veines soient formées.

Nous arrivons maintenant aux idées de Galien sur la circulation. Elles sont disséminées dans plusieurs des traités de ce grand homme, et, quoique étant souvent en désaccord entre elles, forment néanmoins un tout assez complet. Un des points fondamentaux de la théorie de Galien est que les artères ne contiennent pas de l’air, mais du sang. Il a même écrit un traité intitulé ainsi : — Le sang est-il naturellement contenu dans les artères ?

En observant les artères sur le cadavre, Érasistrate et d’autres auteurs trouvaient constamment les artères vides de sang. Ils ont conclu que les artères ne contiennent pas de sang : erreur incompréhensible que les symptômes des blessures artérielles et bien d’autres encore auraient dû leur faire éviter. Il est curieux de voir combien avec des théories on peut arriver à fausser la vérité.