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pressans. Le corps enseignant est plus exigeant ; il veut être mieux rétribué. Il ne l’était pas assez jadis, il l’est plus aujourd’hui qu’aucune autre catégorie de fonctionnaires. Un professeur de faculté à Paris a 15,000 francs, plus qu’un général de brigade ; un professeur agrégé de lycée à Paris a 7,500 francs, autant qu’un colonel. Un jeune homme sortant de l’École normale avec le titre d’agrégé peut avoir de 5 à 6,000 francs au bout d’un ou deux ans de stage. Et l’on ne se contente pas d’augmenter les traitemens, on multiplie les places. Tout récemment encore M. le ministre de l’instruction publique a titularisé d’un seul coup 54 employés auxiliaires de son administration. Nous ne critiquons pas ces dépenses, nous les constatons, et, les ayant constatées, nous nous demandons si le moment est bien choisi pour grever le budget d’une charge aussi lourde qu’inutile. En 1793, on a voulu aussi substituer partout l’action de l’état à l’action et à l’initiative privées ; la convention supprima d’un trait de plume universités, collèges et petites écoles ; elle fit table rase de toutes les institutions scolaires de l’ancien régime, et de toutes ces ruines accumulées elle essaya de dégager un système d’éducation nationale. Elle n’aboutit, après beaucoup de tâtonnemens et sauf quelques belles créations, comme le Muséum et l’École polytechnique, qu’à la plus complète impuissance. Prenons garde de tomber dans la même faute. Défions-nous de la dangereuse théorie de l’état enseignant. Restituons à l’état ses droits ; rendons-lui son domaine, tout son domaine, mais laissons en même temps le dévoûment, la charité, la foi, défricher leur champ ; ne nous privons pas de ces précieux auxiliaires. Ce ne serait pas seulement une iniquité, ce serait une ineptie. Quoi ! vous voulez établir l’enseignement obligatoire et vous serez amené par voie de conséquence à le rendre gratuit. Vous allez de ce chef dépenser des sommes énormes : 200 millions au moins, rien qu’en constructions de maisons d’école et d’écoles normales. Une partie de ces dépenses est déjà engagée. Vous voulez fonder d’un seul coup quatre-vingts lycées de filles ! Et c’est le moment que vous choisiriez pour interdire des milliers de volontaires, hommes ou femmes, qui ne vous demandent, pour toute rémunération, que de leur laisser suspendre un christ dans leurs salles d’études. Vraiment ce n’est pas trop cher et vous avez tant à dépenser ailleurs, vous avez déjà tant dépensé qu’il serait prudent de vous arrêter dans une voie qui vous conduira, si vous n’y prenez garde, à la ruine de nos finances.

Ruines publiques et privées, voilà donc, sans compter toutes les considérations d’ordre moral qui ont été épuisées dans les grands débats de 1844, 1850 et 1875, et que nous omettons à dessein, voilà quelles seraient les conséquences de l’article 7. Mais ce n’est pas