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d’un projet dont l’honorable M. Waddington est l’auteur, et qui, voté par la chambre en juin 1876, fut, on s’en souvient, repoussé par le sénat. Ils restituent à l’état, représenté par les facultés, la collation des grades, et soumettent les élèves des établissemens publics et libres d’enseignement supérieur aux mêmes règles d’études, aux mêmes conditions d’âge, de grade, de travaux pratiques, de stage dans les hôpitaux et les officines, de délais obligatoires entre chaque examen et de droits à percevoir au compte du trésor public. Nous n’avons, hâtons-nous de le dire, aucune objection grave contre ces deux articles. La pensée qui les a inspirés en 1876 a été une pensée de réparation bien plus qu’une pensée de réaction systématique et violente contre l’œuvre du législateur de 1875, et certes, si M. le ministre de l’instruction publique avait borné là ses revendications, il n’eut pour ainsi dire pas rencontré d’adversaires dans les chambres, il n’en eût pas, en tout cas, rencontré dans cette Revue ; il aurait eu pour lui tous les esprits modérés et libéraux, tous les hommes un peu versés dans les questions scolaires.

Les jurys mixtes, tels que l’assemblée nationale les avait institués, ne sont pas, en effet, sérieusement défendables ; ils ne le sont ni en droit, ni en fait. En droit, ils constituent une dérogation à des principes et à des traditions séculaires ; ils mettent l’état en suspicion, ils enlèvent à la puissance publique une de ses prérogatives naturelles, une prérogative qu’aucun gouvernement soucieux de son autorité ne saurait abdiquer. En fait, ils n’ont jamais donné, dans le seul pays qui les ait adoptés avant nous, que de mauvais résultats. Ils ont eu pour conséquence d’abaisser le niveau des examens et par suite celui des études. Les preuves abondent ; elles ont été fournies jadis, dans une importante discussion au sénat impérial, nous les avons présentées ici même[1] il y a quelques années, et la grande commission extra-parlementaire de 1870 présidée par M. Guizot les avait trouvées si topiques qu’elle avait repoussé à une grande majorité le système qui a prévalu depuis. Nous tenons donc les jurys mixtes pour une institution défectueuse et nous estimons que le gouvernement de la république se devait à lui-même et devait surtout aux bonnes études d’en proposer la suppression. Devait-il aller dans cette voie jusqu’à rendre aux seules facultés la collation des grades ? Sur ce point, et sans critiquer le fond même du projet ministériel, nous aurions une réserve à faire. Certes les jurys de facultés sont d’excellens jurys d’examens : au point de vue de la compétence et des lumières, ils offrent à l’état, comme aux familles et aux candidats, toutes les garanties désirables. Composés d’hommes éminens parfois, savans et distingués toujours, on

  1. Voir la Revue du 1 er février 1870.