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douterait-on ? La précipitation, pour ne pas dire la légèreté, avec laquelle ont été rédigés ces projets de loi, les inexactitudes qui s’y rencontrent, les incorrections qui les déparent, tout en eux révèle et trahit une préoccupation politique dominante. Si M. le ministre de l’instruction publique avait été moins pressé, il n’eût pas prêté le flanc à de méchans propos, soit en produisant des textes altérés dans un document officiel, soit en paraissant ignorer, entre autres choses, qu’il existe des jurys spéciaux pour l’agrégation qui n’ont rien de commun avec les jurys de facultés[1]. Ces taches sont évidemment le résultat d’une improvisation hâtive ; on ne se les expliquerait pas autrement ; mais elles n’en ont pas moins jeté quelque discrédit sur leur auteur. L’une d’elles, surtout, a fait du tort à M. Ferry : nous voulons parler de la confusion qu’il a commise en attribuant à la majorité d’une commission l’opinion de la minorité. Ce n’était pas un cas pendable assurément ; ce n’était qu’une école, et, sur ce point particulier, nous trouvons qu’on a été bien injuste pour M. le ministre de l’instruction publique : on l’a accusé de machiavélisme, il n’a été qu’inconscient. Toutefois l’erreur était grave en tant qu’indice du peu de maturité que nos hommes d’état apportent à leurs résolutions ; elle était surtout grave en ce qu’elle mettait en leur vrai point des projets qui ne sont en réalité qu’un expédient, et, sous ce rapport, on avait bien le droit de la signaler. Elle fait partie des circonstances de la cause ; ce n’est qu’un accident, mais bien significatif, et si l’opinion publique avait eu besoin d’un peu plus de lumière, elle l’eût trouvée là : rien ne montre mieux à quels motifs d’intérêt personnel et tout politiques le gouvernement a obéi en provoquant le conflit actuel ; nulle part on ne voit plus nettement que ce conflit a été voulu, et qu’en l’élevant on s’est beaucoup moins proposé le bien de l’Université que d’opérer une diversion puissante à de pressans embarras.

Quoi qu’il en soit, nous devons respecter la division adoptée par M. le ministre de l’instruction publique et traiter comme lui séparément de la réorganisation du conseil supérieur et des conseils académiques et de la liberté d’enseignement ; nous pourrons mieux suivre ainsi dans ses développemens la pensée ministérielle : elle se dégagera d’une façon plus précise et plus complète, et nous risquerons moins soit de l’exagérer, soit de l’affaiblir.


I.

« Le projet de loi que nous soumettons aux délibérations des chambres n’est ni une loi de circonstance ni une œuvre de parti,

  1. Voir l’article 5 du projet de loi relatif à la liberté d’enseignement.