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Soubise retourna à la cour de France à l’âge de dix-huit ans et se donna, comme on faisait alors, à Monsieur d’Orléans (le troisième fils du roi François). Sa mère mourut en 1549, en professant la nouvelle religion; elle avait toujours eu le prêche sur ses terres, et les édits du roi protégeaient encore les ministres.

Soubise suivit dès ses plus jeunes années la profession des armes : il fut un an prisonnier dans les Flandres ; il se trouva à toutes les guerres de son temps. Quand les discordes civiles éclatèrent, il prit parti contre les Guise et s’attacha aux Chastillon, « desquels il fut toujours intime amy, tellement que tous trois le tenaient comme pour leur quatrième frère, nommément monsieur l’admirai[1]. » Il fut aussi l’ami du maréchal Strozzi, « luy et ledit sieur de Soubise estant au siège de Calais, de la prise duquel ils furent tous deux, par leur labeur et diligence, la principale cause, comme ils logeassent tousjours ensemble et couchassent en même chambre, passant une grande partie des nuits à discourir tous deux, le maréchal Strozzi luy disait souvent : Sommes-nous pas bien misérables de nous hazarder tous les jours et prendre tant de peine pour agrandir et faire cueillir l’honneur de nostre labeur à celuy qui nous voudrait avoir ruynez et qui sera un jour cause de la ruyne de la France? — Disant cela du sieur de Guise qui commandait audit siège. — Il est vray, répondit le sieur de Soubise, mais puisque nostre honneur, nostre debvoir et le service de nostre roy le nous commande, il le fault faire[2]. »

Soubise fut au siège de Metz sans y avoir de commandement; c’est après ce siège fameux qu’il se maria (le 9 mai 1553), à l’âge de quarante ans, avec Antoinette d’Aubeterre, une fille de la reine mère, qu’il avait instruite d’abord dans la religion. A peine marié, il dut aller en Picardie prendre part à la campagne malheureuse qui finit par la perte de Thérouanne et d’Hesdin. L’année suivante, nouvelle campagne où Soubise monta à l’assaut de Denain et faillit perdre la vie. Les Guise, pour l’éloigner, le firent envoyer en mission à Parme, où il contribua à tenir le duc dans la neutralité. Mais il eut la douleur de ne pouvoir rien faire pour empêcher la capitulation de Montluc à Sienne. Il revint sans avoir pu relever les affaires de la France en Italie; on le retrouve à la sanglante défaite de Saint-Quentin, et quelques mois après à la prise de Calais.

Soubise avait connaissance de la nouvelle religion : il s’y sentait porté, sans en faire encore publiquement profession. L’entreprise d’Amboise fut le coup qui le détermina. La France était profondément remuée par les idées de la réforme : elle se divisait en deux camps, et la politique hâtait cette division. Les Guise étaient devenus les

  1. Mémoires de Jean de Parthenay-L’Archevêque, page 19.
  2. Ibid., page 21.