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apportait à l’assemblée de Saumur. Ce discours, il faut s’en souvenir, n’a jamais été prononcé ; il ne faut entendre sous ce nom qu’une analyse subjective, un examen de conscience, une façon de consultation qui ne fut pas imprimée, si elle fut communiquée à quelques-uns. « Nous sommes arrivés en un carrefour, disait en pensée Rohan aux églises réformées, où plusieurs chemins se rencontrent : mais il n’y en a qu’un où se trouve notre sûreté. La vie d’Henri le Grand la maintenait : il faut à cette heure que ce soit notre vertu. » Il veut que les protestans s’affermissent sur trois points « comme essentiels et dont tous les autres dépendent. Le premier est l’union parmi nous ; le second, l’admission à toutes charges ; le troisième et dernier de pourvoir à notre sûreté. »

Si Henri IV avait jugé les places de sûreté nécessaires aux réformés, combien ne le devenaient-elles pas davantage pendant la minorité d’un roi et sous une régence demi-espagnole ? « Il faut premièrement, écrit Rohan, ravoir les perdues, ou d’autres en leur lieu, afin doter l’espérance de nous en diminuer le nombre pour l’avilir ; puis obtenir la confirmation de toutes pour certain nombre d’années, jusqu’à ce que tous les sujets de méfiance nous soient ôtés. » Il ne veut pas que les garnisons des places soient « transubstantiées en terres et en meubles. » Homme d’épée, il proteste contre l’avarice des églises : comme à tous les hommes de son temps, la force lui semble la défense naturelle du droit.

L’assemblée s’ouvrit à Saumur au mois de mai 1611, sous les yeux de MM. de Boississe et de Bullion, conseillers d’état. Les églises de Bretagne y avaient député Rohan et son frère Soubise. Le duc de Bouillon y joua avec Rohan le principal rôle. Le duc de Bouillon avait écrit à Du Plessis qu’il ne lui semblait pas à propos qu’on choisît aucun des grands seigneurs pour présider l’assemblée. Pourtant, quand il arriva à Saumur, il brigua la présidence. Les ducs de Rohan et de Sully s’y opposèrent avec l’appui des ministres, et Du Plessis fut choisi.

Après l’élection du président, on renouvela le serment d’union. Puis on nomma des députés pour dresser le cahier des articles que l’on devait envoyer à la reine. On s’accorda à demander : 1° le rétablissement de l’édit de Nantes, en ôtant toutes les modifications introduites par le parlement de Paris ; 2° la continuation des places de sûreté pour dix ans (en cas de mort d’un gouverneur, le roi n’y pourrait nommer un calviniste à son choix, mais nommerait un élu des églises ; il serait permis de fortifier ces places) ; 3° l’augmentation des sommes allouées pour l’entretien de ces places et des ministres ; 4° la permission de s’assembler tous les deux ans ;