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délibérantes où se trouvaient la noblesse, les ministres et le tiers-état. Les gentilshommes présidaient aux assemblées générales, les ministres aux synodes.

Pendant le règne d’Henri IV, les assemblées ne sortirent pas un moment de la légalité. A Châtellerault en 1605, à Fargeau en 1608, tout se passa le plus tranquillement du monde.

Henri IV avait eu les plus grandes difficultés à vaincre pour forcer les catholiques à accepter l’édit de Nantes et les protestans à s’en contenter. Il l’avait imposé comme une trêve ; mais il n’avait fait qu’ajourner la lutte entre deux partis irréconciliables. Les protestans étaient toujours hors du droit commun, ils n’étaient que tolérés ; leur faiblesse avait besoin de garanties spéciales, telles que places fortes, assemblées particulières, et ces garanties étaient regardées par beaucoup comme un danger pour l’unité nationale. Plus leur position était précaire, plus ils avaient besoin de se protéger : ainsi leur faiblesse même les rendait plus menaçans, leur infériorité numérique plus exigeans.

Henri IV avait acheté par sa conversion le droit de protéger les protestans ; même entouré de jésuites, n’était-il pas toujours à ceux parmi lesquels il avait été nourri, qui avaient versé leur sang pour lui et qui l’avaient aidé à conquérir son royaume ? Lui mort, la protection royale leur fut retirée : la force toute puissante qui les avait maintenus en face de leurs ennemis se tourna contre eux : il ne leur resta bientôt que l’espoir ambitieux de former un petit état au sein du grand état, une France diminuée, éparse, découpée en petites églises, avec ses assemblées, ses synodes, abritée derrière des murailles et défendue, au besoin, par ses propres armées ; cette petite France eut ses ambassadeurs, ses alliances, sa politique propre. Les églises protestantes cherchèrent des modèles dans les Pays-Bas ; mais les Pays-Bas hollandais formaient une province naturelle, qui défendait son indépendance en même temps que sa foi : leur union fut affermie par une famille providentielle, devenue une sorte de dynastie républicaine. Ces avantages manquèrent aux églises unies de France ; quand la monarchie se tourna contre elles, elles furent perdues.

Aussitôt après la mort d’Henri IV, une déclaration royale avait promis aux protestans le maintien des édits ; mais on ne tarda pas à les violer. Il se fit des mouvemens en Guienne, des conflits s’élevèrent entre les parlemens et les cours protestantes. Les protestans eurent cependant permission de tenir une assemblée à Châtellerault et de la transporter à Saumur, où M. Du Plessis était gouverneur.

Rohan a consigné dans un « discours » les sentimens qu’il