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retirer dans ses terres sans paraître à la cour. Nous le voyons, le 29 novembre, à Paris, d’où il était venu en poste de Boulogne ; il y écrivait à La Force pour le supplier de faire abréger son exil.

L’exil de Rohan n’était que pour la forme ; nous trouvons dans les Economies royales[1] une lettre d’Henri IV à Sully du 29 novembre 1606, où le roi, apprenant que Rohan est venu contre ses ordres à Paris, enjoint à son ministre de l’envoyer à Sully ou à quelque autre maison ; il le charge de faire connaître à tout le monde le déplaisir qu’il a éprouvé de la désobéissance de Rohan. « Pour mon cousin de Soubise, ajoute-t-il, parce que je lui donnerai congé d’aller en Flandres, il me pourra venir trouver icy (à Fontainebleau)ou m’attendre à Paris, où après que je seray arrivé, j’aviserai avec vous ce qu’il faudra que mon cousin de Rohan fasse lorsque je le verray, tant pour me satisfaire que pour donner contentement au monde, afin que son exemple serve à faire retenir chacun en son devoir[2]. »

Rohan ne tarda pas à être rappelé à la cour. À l’occasion de la naissance d’une fille du roi, en 1606, la cour donna un ballet à cheval, qui est raconté par M. de Thou[3]. Nous y voyons figurer le dieu Vulcain, suivi d’Henri de Rohan et de douze cavaliers vêtus en Parthes. Les cavaliers de l’air et du feu s’attaquèrent, brisèrent leurs bords, leurs flèches et leurs lances, Emmanuel de Lorraine, Sommerive, représentait le dieu de l’air. Le duc de Bellegarde et Charles Gonzague, duc de Nevers, étaient les chefs des deux autres groupes qui complétaient le quadrille[4].

La correspondance d’Henri IV nous montre Rohan jouissant de la confiance intime du roi et de Sully, et chargé fréquemment de leurs messages les plus secrets.

Un jour Henri IV[5] écrit à Sully que Rohan lui a demandé à Fontainebleau d’aller faire la cène à Charenton ; il ajoute : « Nous avons discouru ensemble touchant quelques avis que l’on m’a donné fort secrètement comme estant grandement importans, en quatre ou cinq sortes d’affaires auxquelles six ou sept personnes, dit-on, sont bien avant meslés, et jugerés, je m’asseure, si différens en opinions, désirs, humeurs, fantaisies et intérests qu’ils

  1. Tome III, p. 71.
  2. Le roi, faisant de nouvelles levées pour les Pays-Bas, accorda en effet un régiment à M. de Soubise et un autre au fils aîné de M. de La Force Mém. de La Force, t. I, p. 418). Ces deux régimens devaient aller servir auprès du prince Maurice.
  3. Tome V, 1.136, p. 1241.
  4. On voit, dans le beau livre de Pluvinel, Rohan figurer dans les tournois du jeune Louis XIII avec les principaux de la cour.
  5. Économies royales, édit. Orig., t. III, ch. XV.