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que M. de Rohan irait dans trois jours le voir avec sa mère. « Et pour témoigner que c’est moi qui fais ce mariage, eux et moi vous irons demander votre fille, en feray dresser le contrat en ma présence et le signeray comme parent des deux côtés, sçachant bien qu’à cause des maisons de Béthune, Luxembourg, Coussi et Melun, vous avez des alliances avec la mienne, et veux donner 10,000 escus au marié et autant à la mariée pour les festins et habits de nopces, et feray après tant d’autres avantages à mon cousin de Rohan que vous en serez content. »

Mme de Rohan[1], passant par Orléans, alla faire la cène à Ablon et arriva à Paris le 2 janvier 1605 avec la duchesse de Deux-Ponts et ses deux autres filles. Elle pria M. de La Force de parler au roi sur le traité du mariage de son fils ; elle espérait marier sa fille Anne au fils aîné de La Force et disait ne vouloir pas marier la cadette avant l’aînée. Elle tomba malade dès son arrivée ; le roi et la reine allèrent lui faire visite. Les dames de la cour apprirent un grand ballet pour le mariage ; même la duchesse de Deux-Ponts, quoique grosse, y joua son rôle.

La Force raconte dans ses Lettres ce ballet de la reine. « Ce ballet de la reine fut fort magnifique, et à la fin entrèrent deux chameaux avec deux sauvages dessus, les trompettes marchant devant eux ; comme les chameaux furent devant le roi, ils se mirent tous deux à genoux, et lors celui qui était dessus descendit et présenta au roi le cartel que je vous envoie. C’est un défi de la part de M. de Nevers, pour combattre à la barrière, d’une partie qu’il a faite de quatre tenans, pour recevoir et soutenir contre tous ceux qui viendront. Il y a plusieurs parties qui se préparent pour assaillir. Parmi ces princes, M. de Rohan en fait aussi une ; il a prié notre aîné d’en être avec lui. Je suis après à pourvoir à ce qu’il lui faut. Voilà les principales occupations d’à présent. M. de Rohan et moi avons dîné ce matin à l’arsenal avec M. de Rosny. »

M. de Rohan épousa la fille de Sully le dimanche 13 février 1605 à Ablon. « Étant mariée, on lui mit aussitôt audit Ablon la couronne ducale sur la tête, et lui bailla lors le manteau ducal, et fut en cet équipage conduite à Paris par un bon nombre de seigneurs et gentilshommes, auxquels M. de Rosni avait donné à dîner audit château d’Ablon[2]. » Le mariage avec la fille de Sully venait sans doute à propos pour tirer Rohan de ses embarras financiers. « M. le

  1. Catherine de Parthenay transigea avec le duc de Rohan au sujet de son domaine et des donations que lui avait faites le vicomte de Rohan son mari ; à cause des dettes de la maison, elle voulut bien se contenter de jouir par faveur de provision des terres et seigneurie de Landerneau, de la seigneurie de Fresnay et de la forêt du Pont. La transaction est du 28 octobre 1604. (Papiers de D. Morice et D. Taillandier.)
  2. L’Estoile, Journal d’Henri IV, t. III, p. 268.