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règne un ton où la hauteur et la modestie se balancent et qui trahit déjà l’homme qui devait être faible avec les siens et fort devant Richelieu.

Le voyage du comte de Rohan avait dû coûter cher, et pourtant les affaires de sa mère étaient embarrassées. Le roi était le tuteur des enfans mineurs de la duchesse. Celle-ci écrivait le 26 mai 1598 du Pèlerin, près de Nantes, à M. Du Plessis pour le prier de faire en sorte que le roi autorisât la vente de quelque terre pour payer les dettes de la maison de Rohan[1].

On voudrait avoir plus de détails sur les rapports d’Henri IV avec la duchesse de Rohan. Le roi, avons-nous dit, la redoutait un peu ; il n’ignorait pas que Catherine de Parthenay ne lui pardonnait pas ses faiblesses pour les anciens ligueurs et l’accusait d’ingratitude pour ceux qui l’avaient porté sur le trône.

En 1601, la duchesse de Rohan[2] séjourna en Lorraine chez la duchesse de Bar, Catherine de Bourbon, sœur du roi. Nous en avons la preuve dans une lettre d’Henri IV à sa sœur, où il lui dit notamment : « Je vous prie d’aymer bien Mme Destarges ; elle est fort douce et point brouglone pourvu que ma cousine de Rohan ne la guate point. Montrés lui ce que je dys d’elle, je dys à ma cousine. » On voit qu’Henri IV aimait a tourmenter Mme de Rohan ; il avait l’humeur taquine, elle avait l’humeur « brouillonne » et la langue acérée.

Pour Henri de Rohan, qui n’avait point de malice, Henri IV semble n’avoir jamais eu qu’une amitié sans mélange. Il aimait et protégeait tout ce qui portait ce nom de Rohan. Il fit un moment la cour à Catherine de Rohan ; mais quand il lui demanda comment on arrivait à sa chambre, elle répondit simplement et fièrement « par l’église. » Lorsqu’il résolut de chercher une seconde femme, il songea un moment à cette vertueuse princesse et, s’il faut en croire Sully, il ne la raya de sa liste qu’à cause de la religion. Sully raconte en effet que le roi lui dit un jour : « Voilà pour ce qu’il y a de princesses : vous avez après cela une fille en la maison de Luxembourg, une en la maison de Guémené, ma cousine Catherine de Rohan ; mais celle-là est huguenote, et les autres ne me plaisent pas[3].

  1. Dans la même lettre, elle se préoccupait de la dot qu’elle donnerait à ses filles lors de leur mariage, et elle recommandait à Du Plessis de lui faire avoir Tilénus pour ministre privé. (Catalogue Charavay. Autographes de M. Benjamin Fillon, 1878.) En l’année 1603, Mme de Rohan vendit la terre de Montpaon, qui avait été donnée comme supplément de légitime à Isabel de Navarre. (Papiers de D. Morice et de D. Taillandier.)
  2. Lettres missives d’Henri IV, t. IX, p. 122.
  3. Économies royales de Sully, t.1, p. 383.