griefs. À ses récriminations personnelles elle ajoute, afin de produire plus d’impression sur le public, les plaintes d’une mère qui plaide la cause de son enfant. Elle a même l’audace de publier, sans l’autorisation de celui-ci, les lettres injurieuses qu’il écrit au ministre Malesherbes contre son père.
Le cynisme de la marquise de Mirabeau s’étale en plein jour dans sa correspondance avec Mme de Monnier, qui lui envoie son portrait et à qui elle permet de l’appeler « ma chère maman, » de même qu’elle nomme « mon gendre » l’aventurier Brianson, amant de sa fille, Mme de Cabris. Elle a certainement une grande part de responsabilité dans l’indigne conduite que Mirabeau tint en Hollande à l’égard de son père. Elle le sait fort gêné et elle lui laisse entrevoir que, si elle gagne son procès, il en profitera plus que personne. Lui-même d’ailleurs n’a pas besoin d’être excité ; son intérêt et sa passion l’animent contre le marquis. Il le poursuit de ses railleries et fait imprimer contre lui à Amsterdam un pamphlet, dont il envoie à sa mère cinq cent cinquante exemplaires. Le bailli, exaspéré de l’outrage qui atteint le chef de sa famille, écrit à son frère : « Le misérable devrait bien se faire assommer dans quelque coin. » Au lieu de retenir le marquis, il le pousse aux résolutions extrêmes. « Je ne crois pas, dit-il, que la plus grande rigueur vis-à-vis de cette mégère et de son indigne fils puisse jamais te donner l’air de la tyrannie. » On comprend, sans l’approuver, que le marquis, profondément ulcéré par ce qu’il appelle « des faits et gestes de parricide, » excité par son frère, cède encore une fois à la tentation d’invoquer contre son fils l’appui de l’autorité, le fasse arrêter en Hollande et enfermer à Vincennes. La lutte a été si vive et les coups portés laissent de telles blessures qu’il annonce cette nouvelle au bailli avec un accent de triomphe. « Je reçus hier avis que le scélérat était serré et aux fers ;… ma conscience me disait qu’indépendamment des crimes qu’il va semant comme la paille, son sort serait finalement de se faire rouer sous notre nom, et ce n’est pas pour souffrir cela que nos pères nous l’ont transmis avec ses avantages. »
Débarrassé de son fils, le marquis se tourne vers sa femme et obtient sur elle une première victoire en gagnant devant le parlement le procès qu’elle lui intente. Mais cette victoire n’est pas sans danger. La marquise, déboutée de sa demande en séparation de corps et de biens, reconquiert, en vertu même de l’arrêt qui la condamne, le droit de rentrer au domicile conjugal qu’elle a quitté depuis quinze ans et fait invasion chez son mari. Elle n’y trouve que des gens de service auxquels elle donne le spectacle de ses violences. Un soir entre autres elle fit scandale. Le suisse de l’hôtel Mirabeau, qui avait reçu du marquis des instructions formelles, refusant de laisser entrer l’avocat de la marquise, celle-ci se jeta à bas de son