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vous prie ne faillir de par moy de vous mectre en ma maison de Bleign en attendant que ils sy logent et empescher que les meubles ne soient par autres prins, et plus tost qu’ils tombent en autres mains, veulx qu’en mon nom vous en saisissiez et que vous les restroiez pour en tenir compte au roy quand il lui plaira. Je ne vous en feray plus longue prière, m’assurant que vous ny ferez faulte et que ne fauldrez à faire l’office d’un bon fils comme vous avez toujours faict, et, sur cette assurance, je ferai foi me rendant à votre bonne grâce, priant Dieu, mon fils, vous tenir en sa saincte grâce.

« De Pontivy — votre bien bonne mère et amye — Isabeau de Navarre. »

Jehan de Rohan (qui avait alors vingt-cinq ans) se rendit à Blain, pour obéir à sa mère, avec vingt hommes d’armes, avant que les nouveaux mariés n’y fussent revenus. Il força la porte du cabinet qui renfermait la vaisselle d’argent ; il enleva des pièces de tapisserie, des robes de drap d’or, des meubles, et fit transporter le tout au pays de Saintonge et de Poitou.

« Henri de Rohan, écrit-on dans l’Histoire du Château de Blain, fort mécontent de ce coup de main, poursuivit en justice son frère, qui était déjà dans les prisons du palais, à Rennes, sous la fausse inculpation intentée contre lui par Mr d’Étampes, à cause de la mort de sa femme, Diane de Barbançon[1]. »


I.

C’est après Moncontour que nous entendons parler pour la première fois d’un frère cadet d’Henri et de Jean de Rohan, du troisième et plus jeune fils d’Isabel d’Albret. René, qui se montra le plus digne de porter le grand nom de Rohan[2], était né en 1550 ; il n’avait que deux ans quand il perdit son père : il fut nourri par sa mère de façon à devenir, suivant l’expression de De Thou, vir probus et candidis moribus.

René porta les armes avant même d’être un homme. Au moment où se livra la bataille de Moncontour, il n’avait que dix-neuf ans : assista-t-il à la sanglante défaite des siens ? Nous l’ignorons. Nous savons seulement que Pontivy (c’est ainsi qu’on le nommait alors) gardait après la déroute le château de Beauvoir-sur-Mer, appartenant à la dame de la Garnache, qu’on nommait aussi dame de Nemours. Le château fut battu avec des pièces prises aux protestans à Moncontour ; Pontivy manquait d’eau, il soutint pourtant le siège pendant

  1. Diane de Barbançon-Cany, fille de Michel de Barbançon, seigneur de Cany, et de Péronne de Pisseleu.
  2. René de Rohan, qui porta successivement trois noms : Pontivy, Frontenay et Rohan.