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découverte. Je l’ai écharpée dans les journaux, dans les cafés, partout. J’avais sous la main des généraux et des officiers de mon état-major, j’ai voulu m’en servir. C’est alors qu’est venu un homme qui m’a offert ses services ; je les ai acceptés. Il a dû me remettre de l’argent. Il n’a pas pu le faire à cause de certaines circonstances indépendantes de sa volonté, n L’homme dont par le Lullier était un sieur C…, qui avait facilité sa seconde évasion et qui se donnait pour un agent direct du gouvernement de Versailles chargé de favoriser une contre-révolution à Paris, Nous ignorons si le sieur G… était bien réellement ce qu’il prétendait être, mais nous savons que Lullier ne reçut pas en temps opportun l’argent dont il avait besoin pour mettre son complot en mouvement. La combinaison imaginée entre lui et le sieur C… fut abandonnée ; mais, si elle eût été menée à bonne fin, qui donc en aurait profité ? Nous croyons que Lullier n’en aurait retiré que d’assez maigres avantages personnels et que tout le bénéfice en eût été à la légalité.

Dans la dernière quinzaine de son existence, la commune fut menacée par une demi-douzaine de complots qui, faute d’une action d’ensemble, ne produisirent que des résultats insignifians. La commune les soupçonnait ; elle se sentait environnée de périls qu’elle ne pouvait combattre, car elle ne savait où les prendre. Elle avait cependant placé à la guerre, auprès de Delescluze, un homme très intelligent et qui s’était trop gravement compromis pour pouvoir reculer. C’était Edouard Moreau, membre du comité central, dont il était l’âme. Delescluze ne le supportait près de lui qu’avec peine ; il eût voulu être débarrassé de ce surveillant gênant, très perspicace et spirituel : « Le soussigné demande l’annulation de l’arrêté pris par le comité de salut public à l’effet d’instituer le citoyen Moreau délégué civil de la commune près du délégué à la guerre, ledit arrêté inséré à l’Officiel du 9 mai 1871 : Charles Delescluze. » Le comité de salut public ne tint compte de la demande ; seulement, quand Delescluze en fit partie, on changea le titre d’Edouard Moreau, et on le nomma intendant : il n’en conservait pas moins ses fonctions, et, si j’en crois certains renseignemens qui me paraissent sérieux, il fut le véritable ministre de la guerre, pendant toute la délégation de Delescluze. Comment un tel homme, bien né, instruit, marié à une fille de très bon lignage, jeune et remarquable à bien des égards, s’est-il perdu dans cette criminelle équipée ? Cela est inexplicable. Il avait été vaudevilliste, avait essayé, sans y réussir, de diriger un théâtre et avait été chercher fortune à Londres. Il y était lorsque la guerre éclata entre l’Allemagne et la France. Il accourut à Paris, laissant en Angleterre sa femme et son jeune enfant. Il fut. très vaillant pendant cette période. Simple garde national dans une compagnie