sur Johannard et sur Léo Meillet, délégués auprès des chefs d’armée ; mais le côté technique des choses ne lui en échappait pas moins, et il se trouvait perpétuellement en face d’un problème dont il ignorait le premier mot. Il eût voulu avoir près de lui un homme du métier, un vrai soldat qu’il eût pu consulter secrètement et dont il eût suivi les conseils. Il le chercha et crut bien l’avoir trouvé. Rossel n’avait point quitté Paris ; il se cachait, sous le nom de Tirobois, dans un hôtel garni du boulevard Saint-Germain, non loin du ministère de la guerre. Delescluze allait le voir mystérieusement tous les soirs, l’écoutait, et, grâce à ses avis, parvenait à se reconnaître un peu dans ces fonctions si nouvelles et si difficiles pour lui.
Delescluze ne fut pas le seul que Rossel reçut en secret dans sa retraite. Vermesch, le rédacteur en chef du Père Duchesne, qui tirait alors à soixante mille exemplaires, et qui exerçait une très positive influence sur la population fédérée, Vermesch était resté en relation avec Rossel et allait souvent conférer avec lui en compagnie d’un troisième personnage qu’il est inutile de nommer ; tout ce que nous en pouvons dire, sans le désigner plus clairement, c’est qu’il remplissait à la sûreté générale des fonctions qui ne manquaient pas d’importance. Tous les trois ils rêvaient d’escalader le pouvoir. Emportés par l’erreur de leurs persistantes illusions, il est probable qu’ils ont souvent évoqué le souvenir du général Bonaparte, de Talleyrand et de Fouché. Il s’agissait de soulever Belleville, d’en réunir les bataillons, de se mettre à leur tête, de s’emparer de l’Hôtel de Ville, d’en jeter les impuissans sous les verrous, de continuer la guerre pour son propre compte, de vaincre Versailles, — ce qui ne semblait pas douteux, — et de proclamer une république dictatoriale que l’on eût immédiatement escamotée à son profit. Rossel devenait consul, Vermesch ministre des affaires étrangères, et le troisième acolyte ministre de la police. L’aventure était périlleuse, mais dans le désarroi général où Paris se débattait alors il n’était pas absolument impossible qu’elle réussît. Mais pour ne pas échouer honteusement, elle devait être menée par des hommes d’une indomptable énergie ; or Rossel était un rêveur, Vermesch était un viveur sottisier, mais timide ; restait le troisième personnage, trop subalterne pour prendre la direction du complot. On était cependant bien résolu à jouer cette grande partie : elle n’était pas encore entamée que l’armée française campait sous les fenêtres de Rossel, qui ne put l’apercevoir sans ressentir une émotion dont il a lui-même consigné le souvenir.
Belleville semble avoir été le point de mire, l’objectif des ambitieux déclassés qui voulaient supprimer la commune. C’est de ce