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l’anéantissement de tous les titres appartenant aux Versaillais, le four où ils entreraient à Paris. » L’incendie du ministère des finances et de la caisse des dépôts et consignations semble prouver qu’en effet des mesures ont été prises. Grâce à François Jourde, la commune termine sa vie législative par un vote qui condamne absolument la sauvage proposition de Grélier. Elle se constitue immédiatement après en haute cour de justice cour juger Cluseret, et pendant que, sous la présidence de Jules Vallès, elle procède à l’interrogatoire de l’inculpé, elle est interrompue par Billioray, qui arrive du comité de salut public et semble avoir le privilège d’apporter les mauvaises nouvelles. Il est environ sept heures du soir. Billioray est très ému ; il fait effort pour paraître calme et écouter Vermorel qui parle. Il n’y peut tenir et s’écrie : « Concluez ! mais concluez donc ! J’ai à faire une communication de la dernière gravité ; je demande le comité secret. » Vermorel se tait, et Billioray lit la dépêche suivante : « Dombrowski à guerre et à comité de salut public : Les Versaillais sont entrés par la porte de Saint-Cloud. Je prends des dispositions pour les repousser. » On se remet en séance afin d’acquitter Cluseret ; on n’adopte aucune mesure d’ensemble ; les membres de la commune se disposent à se rendre dans leur arrondissement respectif. La commune compte sur le comité de salut public ; le comité de salut public compte sur la délégation à la guerre, où « le délégué s’enferme pour composer une proclamation[1]. » La commune en a fini avec ses délibérations ; la bataille dans les rues, les incendies et les massacres vont commencer.


IV. — LA DELEGATION A LA GUERRE.

Le dernier délégué à la guerre, — le délégué civil, — Delescluze, ne connut probablement jamais les dangers très réels dont il était menacé dans l’intérieur même de Paris, dangers qui se seraient infailliblement produits avec une excessive violence, si le général Douay, éclairé par Ducatel, n’était venu mettre un terme au sabbat de la commune. Delescluze, en prenant possession du ministère de la guerre, c’est-à-dire en acceptant la responsabilité des opérations militaires d’une révolte que l’ouverture du feu de Montretout et la prise du fort d’Issy réduisaient à une défensive illusoire, Delescluze fut très effrayé. Il passait subitement, sans éducation préalable, de la théorie à la pratique, et s’apercevait que tout lui faisait défaut : la science, les aptitudes et même les moyens d’action. Il se perdait au milieu de difficultés sans cesse accrues ; il avait assez adroitement essayé d’en rejeter une partie sur Dereure,

  1. Lissagaray, Hist. de la commune de 1871, p. 342.