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Jules Vallès, dans le Cri du peuple, invitait les maçons à la révolte. Le 2 mai, il établit tout un plan de campagne : « On voulait, dit-il, se former en légion sacrée et se faire tuer au pied des bannières ; mais il a été résolu, comme plus sage, de répartir dans les bataillons les quinze au vingt mille frères de bonne volante. Les autres iront dans la province prêcher la croisade maçonnique, marchant bannière au vent, soulevant les populations devant l’autel de la fédération. » Il est inutile de dire, je pense, que les quinze ou vingt mille frères de bonne volonté dont parle Vallès n’existaient que dans son imagination. Si la manifestation si piteusement avortée donna deux cents nouveaux insurgés, c’est beaucoup, mais c’est beaucoup trop. Non-seulement on avait essayé d’entraîner la maçonnerie dans la commune, mais on s’adressa aussi aux bons cousins frères charbonniers, c’est-à-dire aux carbonari. Ce fut en vain : ni ce qui reste du carbonarisme, ni les différens rites de la maçonnerie ne répondirent à ces appels d’une cause désespérée. La commune le comprit et ne rechercha plus des alliances qui la fuyaient ; mais avant de renoncer à soulever en sa faveur des sociétés dont le but doit être la bienfaisance, et qui ne pouvaient se rapprocher d’elle que par quelques rares individualités abusées ou égarées, elle trouva moyen encore de commettre une mauvaise action. Elle fit partir deux ballons sans aéronautes chargés d’une proclamation extraordinairement violente : « Les francs-maçons et les compagnons de Paris à leurs frères de France et du monde entier, » Les ballons furent lancés sur la place de l’Hôtel de Ville ; autant en emporta le vent[1] !

Un mot prononcé par le frère Thirifocq ne fut pas perdu. Le 3 mai, Paschal Grousset, qui présidait la séance de la commune, déclare, en qualité de délégué aux relations extérieures, qu’il a reçu d’excellentes nouvelles ; que l’Europe commence à comprendre la commune et que l’on doit s’attendre à recevoir prochainement du gouvernement de Versailles des propositions acceptables ; il ajoute : « Je demande à la commune d’en finir avec les négociations… » Un autre dit : « Nous ne sommes pas des belligérant, nous sommes des juges[2]. » Des juges ? — Non ; mais des bourreaux, ce qui n’est pas la même chose.


II. — LES USURPATIONS.

Si la commune était une assemblée de juges, comme un de ses membres l’avait dit, il faut reconnaître qu’elle faisait de la justice

  1. Pour tout ce qui concerne le rôle de la franc-maçonnerie pendant la commune voir le Journal officiel de la commune, les Francs-Maçons et la Commune de Paris, par un franc-maçon M.*. Paris, Dentu, 1871.
  2. Le Gouvernement de M. Thiers, par SI. Jules Simon, t.I, p. 410.