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merveilleux. Ce fut sans aucun doute l’influence de Marguerite de Navarre qui inclina une des plus antiques maisons bretonnes vers les idées religieuses qui commençaient à se répandre en Europe.

Marguerite de Navarre fut une mère plutôt qu’une tutrice pour René de Rohan, l’aîné des deux orphelins confiés à sa garde[1]. Elle lui choisit pour femme Isabel d’Albret[2], fille de Jean d’Albret, roi de Navarre ; elle maria aussi Jacqueline de Rohan, fille de François de Rohan, seigneur de Gyé, à François d’Orléans-Longueville, marquis de Rothelin. Comme Isabel d’Albret, la marquise de Rothelin devint une des plus ferventes adeptes de la réforme. Marguerite de Navarre alla vers 1537 à Blain faire une visite à sa belle-sœur, et son séjour valut à Blain l’honneur d’une visite royale. Le roi Henri II alla chasser à Blain après avoir été visiter à Châteaubriant le connétable de Montmorency. « Le haut et puissant seigneur de Rohan, prince breton très illustre, faisait grand appareil pour dignement recevoir le roy en ses maisons de Blain et de Fresnay, ce qu’il fit très honorablement, tenant en grande libéralité maison ouverte à toute la noble suite du roy, par l’espace de dix à douze jours, durant lequel temps le roy, la reyne, les princes et gentilshommes, prenaient leur plaisir et exercice ordinaire, au déduict de la chasse, à quoy les terres dudict seigneur de Rohan sont fort aptes et convenables ; et de là délibéra le roy défaire sa dicte entrée à Nantes[3]. »

On ne sait presque rien du jeune René de Rohan. Le père Taillandier raconte seulement qu’il reçut en 1548 à Morlaix la jeune reine Marie Stuart. « Le vicomte de Rohan, son parent, alla la recevoir à la descente du vaisseau, et lui fit une entrée solennelle dans Morlaix. Cette princesse étant déjà dans la ville et pressée d’entrer au logement qu’on lui avait préparé, le pont sur lequel elle venait de passer, se trouvant trop chargé, se rompit et tomba dans la rivière. Les Écossais de la suite de la reine, s’imaginant qu’on en voulait à la liberté de cette princesse, crièrent à la trahison. Le vicomte, qui marchait à côté de la litière de la reine, fut offensé d’un soupçon si injurieux, et répondit d’un ton ferme que « jamais Breton n’avait fait trahison, » et pour rassurer les Écossais, il ordonna sur-le-champ qu’on arrachât les gonds de la porte de la ville et qu’on en rompit les chaînes. »

Isabel d’Albret eut cinq enfans, tous nés au château de Blain ; elle

  1. La reine Jeanne de Navarre avait épousé en 1377 Jean II, vicomte de Rohan. — Marguerite de Rohan, femme de Jean, comte d’Angoulême, fut la grand’mère de François Ier
  2. Sœur d’Henri d’Albret, aïeul maternel d’Henri IV.
  3. Histoire des évêques de Nantes, par l’abbé Travers.