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mois va en s’amoindrissant. Cette situation, elle a été visiblement compromise par l’affaiblissement de toutes les garanties modératrices et conservatrices. Le mal indique le remède. L’important aujourd’hui est d’en finir avec tous ces incidens qui grossissent dans le bruit des polémiques et qui finissent par troubler les esprits ; avec un peu de résolution ce n’est point assurément impossible. Le gouvernement lui-même, dit-on, sent la nécessité d’une action plus décidée. Si le ministère a besoin de se modifier, de se fortifier par quelques accessions nouvelles, il n’a qu’à le faire et à se présenter ensuite aux chambres avec une politique arrêtée sur les points essentiels. Il n’y a plus à éluder, ce serait inutile ; la décision est peut-être à l’heure où nous sommes la plus grande habileté et, dans tous les cas, la dernière ressource. — Mais un ministère résolument modéré n’aura pas, dit-on, la majorité dans la chambre. D’abord que sait-on si un peu de fermeté ne tranchera pas bien des difficultés ? Et de plus, si la chambre refuse une majorité à un ministère, avouant sans détour l’intention de raffermir une situation ébranlée, de redresser la marche des affaires de la France, ce sera une équivoque de moins. Le ministère peut tomber honorablement dans ces conditions, et la politique modérée n’est point compromise dans des expériences nouvelles, dont ceux qui les auront provoquées garderont la responsabilité.

Tout n’est point certes favorable à l’heure qu’il est, pas plus dans les affaires de la France que dans les affaires de bien d’autres pays de l’Europe. On peut observer partout des nuages, des difficultés, des complications intimes. Il y a du moins cette chance rassurante que ce printemps maussade qui continue l’hiver ne semble pas annoncer pour cette année des guerres nouvelles, un de ces conflits imminens qui finissent par engager plus ou moins toutes les politiques en mettant en péril la sécurité universelle. Que le traité de Berlin, accepté par l’Europe comme une dernière garantie, ne soit pas de nature à créer une situation sûre et indéfiniment durable, que l’exécution de ce traité soit destinée à passer encore par bien des phases laborieuses et ingrates, c’est possible et même vraisemblable. Il finit du moins par être exécuté, ce traité de pacification orientale, dans ce qu’il y avait de plus essentiel, de plus important pour l’Europe. Les questions capitales sont tranchées, le reste est l’affaire de négociations plus ou moins prolongées, plus ou moins traversées par des incidens secondaires. À l’heure présente, les Russes ont commencé leur mouvement de retraite et quittent les Balkans, où ils ont régné en maîtres depuis plus d’un an. Leur retraite graduée s’accomplira à travers la Roumanie pour être définitivement terminée à l’époque fixée par le traité de Berlin. Le prince Battemberg, élu l’autre jour chef de la Bulgarie, paraît entièrement disposé à accepter sa quasi-souveraineté. Il est en route, se rendant tout d’abord