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LES EXPOSITIONS D’ART

les indépendans et les aquarellistes

La république des arts n’est point celle où l’on pratique le mieux la liberté. Il n’y manque pas de voix bruyantes pour dénoncer le despotisme académique et pour prêcher l’insurrection contre la tutelle gouvernementale. Jusqu’à ce jour cette agitation s’est évanouie en paroles. Malgré l’exemple, fréquemment invoqué, de leurs confrères d’Angleterre, qui savent s’organiser en groupes actifs, les artistes français n’ont fait que de timides tentatives pour se soustraire à la protection officielle et pour demander sans intermédiaire au public la consécration de leur talent. Quand une administration libérale, allant au-devant de leurs vœux, a voulu faire entre leurs mains l’abandon de son autorité, on les a vus trembler en masse devant l’indépendance qui les menaçait et supplier l’état de reprendre au plus vite une responsabilité dont ils n’osaient accepter la charge. Les appels généreux qui leur furent adressés en 1870, par M. Maurice Richard, ministre des beaux-arts, et en 1874 par M. le marquis de Chennevières, directeur des beaux-arts, n’ont rencontré chez eux que de faibles échos. En fin de compte la grande foule des peintres et des sculpteurs s’est rejetée en toute hâte sous l’abri d’un pouvoir qu’ils peuvent, non sans quelque plaisir, trouver parfois en faute, mais dont la disparition les mettrait aux prises avec des soucis et des difficultés qu’ils redoutent.

Depuis quelques années cependant un grand nombre d’expositions particulières, ouvertes, soit à l’École nationale des beaux-arts, soit dans les cercles, soit à l’hôtel des ventes, soit chez des marchands, ont appris aux artistes et aux amateurs d’autres chemins que le chemin des Champs-Élysées. Il faut s’en féliciter. On a senti le prix de ces réunions peu nombreuses d’ouvrages méthodiquement groupés qui permettent d’étudier avec profit un artiste ou un groupe d’artistes dans ses manifestations intimes, on y a savouré ce plaisir délicat de la comparaison facile et de la dégustation prolongée qui est absolument interdite aux explorateurs ahuris de la Babel officielle. Quand le public s’amuse, il n’hésite pas à payer son plaisir. Le succès des expositions gratuites a