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d’Adrien; on commença de comprendre la majesté des temples grecs et de l’ordre dorique, et le caractère simple, sévère, vraiment religieux des contemporains ou des prédécesseurs de Phidias. Rien de tout cela n’avait été possible auparavant. En vain, dès 1674, M. de Nointel avait fait exécuter d’après les bas-reliefs du Parthénon les célèbres dessins de Carrey. L’artiste lui-même, voyant avec les yeux de son siècle, avait fait une médiocre reproduction, et son œuvre avait été si peu comprise qu’on avait égaré immédiatement ses envois, pour beaucoup d’années. L’ouverture de la Grèce fit tomber les derniers voiles; la meilleure intelligence du génie hellénique remit au juste point la vue des œuvres romaines. Désormais d’aussi importantes découvertes que celles qui résultaient des fouilles de Pompéi, devenues actives de 1812 à 1814 sous l’impulsion des Français, et celle des premières tombes peintes de Corneto, en 1827, purent être comprises et porter tous leurs fruits.

Ces paisibles et laborieuses années, cette période de réconciliation et de concorde européenne qui paraissait poindre de 1815 à 1829, sont celles qui ont vu naître l’Institut de correspondance archéologique. Son titre dit bien que l’esprit de son institution n’était pas exclusif; il s’est formé comme de lui-même; on peut dire qu’avant d’être annoncé et reconnu, il existait déjà dans le vivant échange d’idées, de commentaires, de recherches auquel se livraient plusieurs cercles distingués de la société romaine. C’était d’abord la maison hospitalière de M. de Humboldt, chez qui se rencontraient les prélats romains, les princes, les grandes dames, les voyageurs spirituels ou instruits, Lucien Bonaparte, le vieux d’Agincourt, Paul Louis Courier, Mme de Staël, Federica Brun, A. W. Schlegel, Tieck, Rumohr, Thorvaldsen et Rauch. Un autre cercle, plus intime et encore plus actif, se groupait autour de Niebuhr et de Bunsen. Un soir du mois de juin 1818, on était resté après le souper chez ce dernier, dans la loggia du palais Caffarelli. Tout à coup, au milieu d’un silence, la grosse cloche voisine sonna minuit. Le ciel, sans lune, était parsemé d’étoiles: une d’elles brillait plus que les autres. Niebuhr prit la main de Thorvaldsen et dit : « Buvons au vieux Jupiter! le vois-tu là-haut qui regarde sa vieille roche Tarpéienne? — Thorvaldsen répondit d’une voix émue : — De tout mon cœur ! — Cornélius se joignit à nous, et notre évocation (écrit Niebuhr), retentit dans les airs! » Ce souvenir donne, ce semble, la note assez ex acte de l’enthousiasme archéologique et mythologique qui animait ces érudits et ces artistes. Une ardeur analogue, toute de vive imagination, enfantait vers ce temps, d’abord en Allemagne, puis en France, un mouvement des esprits, une sorte de souffle nouveau, qui allait renouveler la littérature et les arts, l’érudition et la critique.

Cependant l’excellent Gerhard, déjà malade des yeux, mais épris de Rome et enivré d’archéologie, agissait sans relâche, fondait la petite