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simple commandeur et ne sut point porter sa disgrâce. On apprît bientôt qu’il correspondait avec le roi de Pologne. Jeté en prison, il y demeura seize années, se plaignant que ses gardiens lui ménageassent le pain et l’orge. Toute discipline était perdue ; le serviteur avait chassé le maître, le héros avait fini par une trahison, et l’ordre ne fit plus que prolonger son agonie. Il s’adressa en vain à l’empereur, au pape, aux conciles qui s’efforçaient alors de remettre la paix dans l’église. L’Europe monarchique du XVe siècle ne comprenait plus cette vieille institution aristocratique. Le pape avait défendu les hostilités contre la Lithuanie depuis que la Lithuanie était chrétienne : on parlait de transporter ces croisés inoccupés à Chypre ou sur le Danube, en face des Turcs, et, pendant ce temps, les Slaves continuent tranquillement la lutte contre les Allemands. Le roi de Pologne s’allie avec les ducs de Poméranie, même avec les hussites de Bohême, alléguant la parenté du sang. Les Polonais prêchent en Prusse l’hérésie de Jean Huss ; ils enseignent que la Prusse est polonaise, et, appelant la philologie à leur secours, le prouvent par les noms des provinces et des villes. Des bandes de hussites, acharnés à la destruction de la chevalerie et de tout ce qui est allemand, se répandent sur le territoire teutonique. Le monastère d’Oliva, d’où le moine Christian est parti au XIIIe siècle pour convertir la Prusse, est brûlé après avoir été pillé : c’est comme une vengeance offerte aux mânes des Prussiens. Les hussites saluent la Baltique de leurs chants tchèques et emplissent leurs bidons de l’eau de cette mer, en signe que de nouveau elle appartient aux Slaves. Il fallait que l’ordre fut irrémédiablement condamné à périr, pour que de tels dangers n’y ramenassent pas l’union. Le grand maître était en querelle avec le maître d’Allemagne, qui voulait le supplanter ; les chevaliers de la basse Allemagne avec ceux de la Souabe et de la Bavière. De plus en plus le peuple se détachait de ces souverains qui ne savaient plus se gouverner eux-mêmes ni protéger leurs sujets ; la police n’était plus faite sur les routes infestées par les brigands ; des malheurs, dont l’ordre n’était point responsable, s’ajoutèrent à ceux qu’on lui imputait : la Hanse, en pleine dissolution, laissait l’union de Calmar se former et la Scandinavie lui échapper ; enfin, en 1425, le hareng quitta la côte de Schonen pour celle de Hollande où allait fleurir Amsterdam. La colonie allemande résolut de s’émanciper.

Le grand maître Paul de Russdorf essaya comme Plauen de s’appuyer sur la noblesse et sur les villes. Les villes se déclarèrent prêtes à le soutenir à condition qu’il garantît leurs droits et leurs libertés contre les officiers teutoniques ; mais il n’osa prendre cet