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RECITS
DE
L'HISTOIRE DE PRUSSE

III.[1]
LA CHUTE DE L’ORDRE TEUTONIQUE.


I.

L’ordre teutonique atteint dans les premières années du XVe siècle le plus haut degré de sa puissance ; puis tout à coup, sans déclin, il est précipité. Ses ennemis ne l’ont point tué : il portait en lui les germes de mort. C’est qu’il était une corporation, et Freytag dit excellemment pourquoi les destinées d’une corporation ne peuvent ressembler à celles d’un peuple. Beaucoup d’idées et de passions conduisent un peuple, le font penser et vouloir : il est tantôt faible et tantôt fort, bien portant aujourd’hui et demain malade ; il peut tomber et se relever plusieurs fois, jusqu’au jour où la cendre de ses idées et de ses actes encombre sa route et en marque le terme ; mais des individus lui survivent et portent sa civilisation à d’autres peuples, dont ils élargissent le génie : ainsi firent les Juifs et les Grecs. Une corporation n’a qu’une idée : le jour où cette idée n’est plus comprise par le monde, qui se transforme sans cesse, elle

  1. Voyez la Revue des 15 mars et 15 avril.