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comptait pourtant de puissans ennemis : aucun n’osa l’attaquer sur ce terrain. Ce phénomène nous étonne à la distance où nous sommes aujourd’hui des hommes et des choses de ce temps. L’explication n’en est pourtant pas difficile à trouver : à l’époque de la restauration, l’argument tiré de la liberté religieuse et de l’autorité paternelle était sans valeur ; on ne pouvait guère accuser de violenter les consciences un corps qui prenait pour base de son enseignement « les principes de la religion catholique[1]. » Cette règle imposée à l’Université par son fondateur était encore très exactement observée sous Louis XVIII, et ce n’est que plus tard, dans les dernières années du règne de Charles X, que le corps enseignant, emporté par le mouvement général, commença de s’en affranchir. On est allé chercher bien loin les causes de la scission profonde qui s’est faite entre l’église et l’Université. Sans doute ces causes sont d’un ordre plus général et de nature diverse, et si le divorce de ces deux puissances rivales est aujourd’hui consommé, l’église y a bien sa part de responsabilité. La violence de ses revendications et l’intolérance de beaucoup de ses défenseurs n’ont pas peu contribué à la rupture. Il n’en est pas moins vrai que, si le corps universitaire ne s’était pas écarté de l’esprit de son institution, s’il avait eu plus de ménagemens pour certains scrupules de conscience, s’il s’était attaché, dans un pays qui compte encore plus de catholiques que de libres penseurs, à ne froisser aucune susceptibilité, en un mot si son enseignement, sans cesser d’être laïque, avait continué de faire une place importante à la religion, il n’en est pas moins vrai que l’Université n’aurait pas perdu la confiance de tant de familles et bientôt, par une suite nécessaire, son monopole. Quoi qu’il en soit, la question de la liberté d’enseignement sommeilla pendant toute la durée du règne de Louis XVIII et pendant la plus grande partie de celui de Charles X. Même quand elle reparut, ce ne fut qu’incidemment et sans donner lieu dans les chambres à aucune discussion de principes. Il s’agissait des petits séminaires, qui commençaient à faire une concurrence sérieuse aux collèges royaux et qu’on accusait de nombreuses illégalités. L’incident n’avait pas en soi-même une grande importance; on l’exagéra jusqu’au point d’en faire un gros événement, que les échos du temps ont encore grossi et dont les adversaires de la liberté d’enseignement ont singulièrement abusé. La lecture de l’exposé des motifs du projet de loi de M. Jules Ferry en fournirait au besoin la preuve.

Ces petits séminaires, ou plutôt ces écoles secondaires ecclésiastiques, étaient de simples écoles préparatoires à l’enseignement des séminaires métropolitains ou diocésains qui avaient été reconnus par

  1. Décret organique de 1808.