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L’ÎLE DE CYPRE.

d’entre eux, on a pourtant reconnu des mythes grecs, ainsi la décapitation de Méduse par Persée, avec la naissance de Pégase et de Chrysaor. Le culte d’Hercule paraît avoir été en grand honneur à Golgos ; peut-être s’y était-il enté, lui aussi, sur un culte phénicien, celui de Melkarth ou d’une autre divinité analogue. Quoiqu’il en soit, il se pourrait qu’Hercule y ait été, comme disaient les Grecs, le parèdre d’Aphrodite-Astarté, c’est-à-dire qu’il ait habité le même sanctuaire et qu’il y ait eu ses autels voisins de ceux de la déesse. Il y avait certainement sa statue ; une des pièces les plus importantes de la collection Cesnola est une figure colossale, haute de près de deux mètres, qui représente Hercule debout, dans une pose qui conserve encore une singulière raideur, bien que le style ne puisse plus être dit égyptien ou assyrien. Le dieu est coiffé de la peau du lion de Némée ; il est armé de l’arc et de la massue. L’arrangement de la coiffure et celui du costume ont quelque chose de très particulier; malgré ces attributs qui ne permettent pas de méconnaître le fils d’Alcmène, ce n’est ni l’Hercule des vases grecs archaïques, ni celui de la statuaire de l’âge classique. Le piédestal de la figure retrace un de ses travaux, l’enlèvement des troupeaux de Géryon. La lutte du héros contre ce géant paraît avoir surtout été célébrée par les artistes cypriotes ; on a retrouvé au même endroit les restes de plusieurs statues qui représentaient ce monstre à trois corps ; l’une est de grandeur naturelle, les autres sont de beaucoup plus petite dimension. C’est peut-être encore Hercule qui s’offre à nous dans une autre figure, d’un assez beau mouvement, qui est malheureusement mutilée ; nous voulons parler d’un archer qui s’est agenouillé pour lancer la flèche et qui rappelle le Teucer des frontons d’Egine. Un Hercule assis, armé de la massue, se rencontre sur plusieurs monnaies frappées dans l’île, au IVe siècle, par Évagoras. Un Hercule debout, tirant de l’arc, se voit sur les pièces de Baal-Melek, roi de Kition, qui paraît avoir été le premier prince phénicien installé dans cette ville après que les Athéniens eurent abandonné Cypre, au milieu du Ve siècle. Il est tout à fait pareil à celui qui, sur le piédestal de la grande statue, décoche ses flèches aux troupeaux en fuite.

Si l’on pouvait prétendre épuiser ici la matière, il conviendrait de faire dans cette étude une large place à la numismatique cypriote ; nous y trouverions, plus multipliées encore et plus sensibles que dans la statuaire, les traces de l’influence orientale. Comme l’a montré M. de Vogüé dans ses Mélanges d’archéologie orientale, les types qui s’y rencontrent sont des expressions diverses d’une même idée qui fait le fond de toutes ces religions syriennes ; ce sont des symboles plus ou moins clairs dont chacun représente l’élément