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servant son éclat, a été absorbée par le papier buvard et n’a laissé que des traces faibles et pâles.

Autre trait caractéristique de la statuaire cypriote : dans presque toutes les statues qu’elle a produites, il y a une déformation volontaire du corps humain par voie d’aplatissement ; les figures, quelle qu’en soit la proportion, n’ont pas l’épaisseur qu’à même échelle donnerait la nature. Elles semblent avoir été taillées, non dans des blocs prismatiques, mais dans de la pierre débitée en carrière, sous forme de dalles épaisses. Un côté de la dalle, celui qui représentait le devant de la figure, était travaillé avec le plus grand soin ; mais l’autre était à peine dégrossi ou ne l’était pas du tout ; lorsque les grandes lignes du corps y étaient indiquées, c’était de la manière la plus sommaire. La face postérieure n’était pas faite pour être vue ; l’artiste n’avait jamais pensé que l’on dût tourner autour de sa figure ; il l’avait composée avec l’intention de l’appliquer contre une muraille et de l’y laisser adossée. Comment il la plaçait, c’est ce que nous indique cette série de piédestaux qui règne le long des quatre parois, à l’intérieur du temple rectangulaire d’Athiénau. Sur les piédestaux plus larges qui sont disposés en trois files au milieu du vaisseau, les statues devaient être de même dressées contre un montant en pierre ou en bois ; faites avec plus de soin, les fouilles nous auraient sans doute apporté quelques renseignemens à ce sujet. En quelque endroit de l’aire du temple qu’elles aient été ramassées, ces statues sont traitées de la même manière ; toujours elles supposent une surface verticale où elles s’appuyaient, sans la pénétrer, sans s’incorporer avec elle, comme fait le bas-relief. Elles sont détachées du mur, mais elles ne sauraient se passer de lui et s’en éloigner ; elles sont ainsi le résultat d’une sorte de compromis entre les procédés du haut relief et ceux de la ronde bosse.

Le costume, dans toutes ces figures, est à peu près le même. Si nous mettons à part celles qui sont coiffées et habillées à la mode égyptienne, nous trouvons partout la même disposition, un vêtement qui cache et enveloppe tout le corps. Dans les figures dites assyriennes, ce vêtement colle aux membres et a tout l’aspect d’une robe orientale ; puis il prend peu à peu, dans des figures moins anciennes, toutes les apparences du peplos grec, ce grand rectangle d’étoffe de laine qui donne des plis si variés et si beaux. De même pour la pose : elle a plus d’aisance dans les figures qui paraissent les moins anciennes ; mais elle reste toujours celle d’un personnage qui, debout devant l’image de la divinité, s’en approche en lui présentant ses offrandes. Si, d’un bout à l’autre de cette série, le costume et l’attitude ne varient que dans des limites très étroites et