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Le successeur de Lysandre n’avait plus en effet le moyen de solder ses équipages, et, sans solde, les équipages ne pouvaient se nourrir. Callicratidas se décide à prendre le chemin de Sardes. Le rappel de Lysandre avait indisposé Cyrus : allez donc parler de règlemens à des gens qui n’ont jamais connu de loi que leur caprice ! Callicratidas est mal accueilli ; ses propos ne tardent pas à trahir l’humeur qu’il en ressent. « Si jamais, s’écrie-t-il, les dieux permettent que je rentre dans ma patrie, je n’aurai qu’un objet : réconcilier les Grecs de l’Attique et ceux du Péloponèse. Je les préserverai ainsi de l’humiliation d’avoir à mendier les secours des barbares ! » Les Milésiens n’étaient ni des barbares, ni des Grecs ; colons de la Grèce, anciens sujets des Perses, ils éprouvaient surtout la crainte de retomber sous le joug impérieux des Athéniens. C’est à eux que Callicratidas s’adresse pour obtenir l’argent que lui a refusé Cyrus. « Je n’ai pu me résoudre, leur dit-il, à rester plus longtemps à la porte des barbares. Montrons-leur que nous n’avons pas besoin de nous prosterner devant eux pour tirer vengeance de nos ennemis ! » On comprend que Cyrus ait mis peu d’empressement à obliger un allié aussi fier. Quand on veut tendre la main, il faut se résigner à ployer les genoux. Callicratidas était jeune ; il avait l’enthousiasme et les nobles passions de son âge ; pour aller quêter des subsides, Sparte eût dû faire choix d’un autre général. Les Milésiens sont touchés du mâle langage qui a offensé Cyrus. Ils apportent de l’or, Chio en fournit aussi ; Callicratidas se trouve en mesure de distribuer un à-compte de 4 francs 50 centimes à chaque homme. Les beaux jours où Lysandre payait régulièrement solde entière à ses équipages sont passés. Callicratidas a bien envoyé des trières chercher de nouveaux fonds en Laconie, mais on sait que Sparte ne peut guère offrir à ses enfans que sa monnaie de fer et ce n’est pas avec « des ligatures de sapeks » qu’on pourra désormais satisfaire l’hoplite du Péloponèse et le rameur de Corinthe. Le fifre et le tambour de la 32e demi-brigade appartiennent aux temps héroïques. Quand on contemple du haut des Alpes les riches plaines de la Lombardie, on peut faire crédit à la république ; quand on revient de ces fertiles et opulentes campagnes, on ne bouche plus les brèches de sa culotte avec des assignats. Heureusement pour Callicratidas il est toujours aux yeux des cités Ioniennes, aux yeux des insulaires qui redoutent les vengeances intestines, le champion armé de l’oligarchie ; de toutes parts on est venu à son aide. Conon ne possède que soixante-dix trières, le navarque de Sparte en a rassemblé cent quarante.

L’inaction ne s’expliquerait plus ; Callicratidas quitte Éphèse et conduit sa flotte devant Méthymne. Cette ville s’est montrée