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tout d’abord la transition au moment où l’occupation russe va cesser? La combinaison d’une occupation mixte qui avait été mise en avant est décidément abandonnée; l’idée s’est évanouie devant les difficultés de toute sorte que l’exécution aurait rencontrées. Un autre projet aurait, dit-on, surgi, et le nouvel ambassadeur d’Angleterre à Saint-Pétersbourg, lord Dufferin, aurait été chargé de le proposer à l’acceptation du cabinet russe. Il s’agirait dès ce moment d’installer un gouverneur général nommé par la Porte et de prolonger pour un an les pouvoirs de la commission internationale, qui resterait placée auprès de lui. Pendant un an, le gouverneur de la Roumélie ne pourrait appeler des troupes qu’avec le consentement de la commission. Les Turcs n’occuperaient pas les frontières des Balkans, qui sont d’ailleurs encore à fixer; mais ils tiendraient garnison à Bourgas, peut-être à Ichtiman : ce serait l’attestation visible de leur droit de souveraineté. Avec ces combinaisons, on espérerait éviter les conflits, les résistances locales, avoir le temps de compléter l’organisation administrative de la province et conduire sans trouble la Roumélie au régime définitif sous lequel elle doit rester placée.

La garantie essentielle en tout cela, on le comprend, est dans la présence et le concours de la commission internationale, qui pourrait en effet avoir un rôle utile à la condition d’être investie de pouvoirs réels et pratiques. Si la commission peut prendre des résolutions à la majorité des voix, elle peut avoir une action efficace et suivie; si l’unanimité est nécessaire comme le veut encore, dit-on, la Russie, c’est une sorte de liberum veto qui peut rendre tout impossible en prolongeant l’indécision, en ouvrant une issue à toutes les éventualités. Dans tous les cas, la Porte est la première intéressée à se faire un appui des influences européennes qui ne lui sont point ennemies, qui ne lui demandent qu’un peu de clairvoyance dans la crise qu’elle traverse, et certainement la diplomatie française, représentée par M. Fournier à Constantinople, par les commissaires envoyés à Philippopoli, n’a pas été pour elle la moins utile, la moins bonne conseillère. M. Fournier, placé sur un terrain difficile, a su rester fidèle aux traditions de la France, en aidant récemment à la solution de cette vieille querelle de l’église arménienne qui vient de faire la paix avec le saint-siège, en parlant dans toutes les circonstances au divan le langage d’une politique sensée, civilisatrice. C’est avec le concours de ces influences européennes représentées à Constantinople, à Philippopoli, que la Porte peut sauver encore une province qu’elle a failli perdre et empêcher la Roumélie d’aller se fondre un jour ou l’autre dans la Bulgarie, comme le firent autrefois, après la guerre de Crimée, la Moldavie et la Valachie, réunies aujourd’hui en une même principauté.

L’Italie, sans compter la pan légitime qu’elle prend, elle aussi, aux négociations orientales, l’Italie avait assez à faire avec ses questions intérieures