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pas de même le 3 pour 100 amortissable? Il a sur l’autre l’avantage que la prime est certaine, on la touchera un jour ou l’autre, plus ou moins vite, suivant les chances du tirage, tandis qu’avec le 3 pour 100 ordinaire on dépend de toutes les oscillations de la Bourse, et on peut ne rien gagner à attendre. Il est donc puéril de dire que ce fonds n’est pas assez connu, et qu’il ferait échouer la conversion. Étant donné, au contraire, qu’on veuille imposer aux rentiers une diminution d’un cinquième pour suivre les conditions du marché, le 3 pour 100 amortissable est la seule valeur qu’on puisse leur offrir, parce qu’elle compense la diminution de revenu par une augmentation de capital. Cette augmentation portera la dette de 7 milliards à 9 milliards 333 millions, il faudra créer une annuité en conséquence ; et une partie de l’économie provenant de la réduction d’intérêt sera absorbée par cette annuité, — cela est vrai; — mais, aussi, quel avantage immense on trouvera dans cet amortissement qui s’opérera régulièrement, obligatoirement et éteindra la dette dans un temps donné !

Les Américains avaient créé 15 milliards de dettes pendant la guerre de sécession. Aussitôt la guerre finie, ils se sont mis résolument à organiser un amortissement considérable qui s’est élevé, dans les premières années, jusqu’à 500 millions de francs par an. L’effet ne s’est pas fait attendre. Avant même qu’ils eussent remboursé une partie notable de leurs charges, le taux de l’intérêt avait tellement baissé chez eux qu’ils ont pu convertir successivement leurs obligations de 6 pour 100 en 5 et maintenant en 4 pour 100. Il n’y a rien de plus significatif que cet exemple. Oui, pendant le temps destiné à l’amortissement, on ne jouira pas directement de toute l’économie provenant de la conversion, on en profitera indirectement par l’essor donné au crédit et à la richesse. On paiera peut-être la même somme d’impôts, mais comme on sera plus riche, la charge sera moins lourde. Aujourd’hui, quelle est la situation? Quand on arrive péniblement à réaliser quelques excédans de recette, immédiatement trois intérêts se présentent pour se les disputer : celui des contribuables qui demande une réduction d’impôts, celui de l’amortissement qui réclame pour la diminution de la dette, et enfin celui des travaux publics qui veut qu’on fasse des dépenses utiles pour augmenter la richesse. Et chacun de ces intérêts a d’excellentes raisons à mettre en avant. Après la création d’un amortissement obligatoire, on sera au moins débarrassé du souci de chercher à diminuer la dette; cette diminution se fera naturellement et progressivement ; et, si on a des excédans de recettes, on pourra les consacrer tout entiers soit à dégrever les impôts, soit à faire des dépenses utiles.