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opérée, le nouveau 3 1/4 monta à 103, à un taux plus élevé que celui qui avait été atteint par le 3 1/2. Ce qui indique bien, par parenthèse, l’avantage qu’il y a à lever les obstacles qui gênent le crédit. Et qu’on ne croie pas qu’il s’agissait là d’une mince opération; le fonds à convertir était de plus de 6 milliards; l’état usait de son droit jusqu’à la dernière limite, peut-être même au delà, puisque le nouveau fonds qu’on proposait n’était pas au pair. Sur ce capital de 6 milliards, les remboursemens demandés ont été insignifians et n’ont pas dépassé 1/2 pour 1,000. Chez nous, en 1852, au lendemain du rétablissement du second empire, lorsque M. Bineau fit décréter la conversion du 5 pour 100 en 4 1/2, le 5 pour 100 était péniblement à 103, rapportant par conséquent 4 fr. 90, et le 3 pour 100 à 68 donnait encore plus de 4 1/2 ; il fallait convertir plus de 3 milliards, l’œuvre n’était pas facile, on peut même dire qu’elle était téméraire, et sans l’assistance de la Banque de France elle aurait bien pu échouer, car le 5 pour 100 pendant l’opération tomba un instant à 99 fr. 05. Le péril était d’autant plus grand qu’on n’était pas embarrassé de placer son argent avantageusement; il y avait à côté des fonds de l’état beaucoup d’autres valeurs recherchées par la spéculation et procurant un revenu plus élevé que la rente : la conversion réussit néanmoins, tant est grande la confiance qu’on a en tout temps dans le crédit du gouvernement. Le trésor n’eut pas à rembourser plus de 75 millions. Que devrait-on craindre aujourd’hui? Le 5 pour 100 est à 115 et le 4 1/2 à 110, de plus on n’a aucune occasion de placement présentant la même sécurité que la rente et donnant un revenu supérieur. Il n’y a donc, je le répète, aucune analogie entre les deux situations. Un ministre des finances qui proposerait aujourd’hui la conversion en 4 1/2 manquerait à son devoir et ne tirerait point de la situation tout le profit qu’il peut en tirer.

Proposera-t-on le 4 pour 100? Les objections qui existent contre le 4 1/2 se retrouvent contre ce nouveau fonds; moins fortes assurément, puisque le cours du 4 pour 100 ne dépasse pas le pair, et que l’état, au point de vue de l’économie à réaliser, obtiendrait immédiatement toute celle à laquelle il peut prétendre aujourd’hui. Le taux de son crédit est en effet à 4 pour 100, et en donnant une valeur rapportant cet intérêt, il offre la conversion à des conditions équitables. Mais, ici encore on crée un fonds qui manquera d’élasticité. Le crédit de l’état ne restera pas toujours à 4 pour 100, il faut bien espérer qu’il s’élèvera plus haut et sera bientôt à 3 1/2, c’est-à-dire qu’il faudra donner 100 francs pour avoir 3 fr. 50 cent, de revenu (il est à 3 pour 100 en Angleterre). Que deviendra alors le 4 pour 100? Il sera paralysé à son