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vaisseaux, il se mit sur-le-champ à la recherche du satrape; il courut au delà de Caunes, il dépassa même Phasélis, dans le golfe de Pamphylie. « Je veux, dit-il aux Athéniens, ramener la flotte phénicienne d’Aspendos. » Cherchez, si vous avez par hasard sous la main la carte du dépôt de la marine, Manavgat, sur la côte orientale du golfe moderne de Satalie : c’est là que vous rencontrerez l’emplacement d’Aspendos et l’antique embouchure de l’Eurymédon. La flotte phénicienne se composait de cent quarante-sept-vaisseaux; les matelots athéniens n’étaient pas destinés à la voir. Autant aurait valu pour eux courir après le Voltigeur hollandais. Pendant cette poursuite vaine à laquelle s’acharnait le fils de Clinias, sans qu’on en puisse exactement découvrir les motifs, Thrasybule et Thrasylle ne perdaient pas leur temps ; ils gagnaient sur les Lacédémoniens la bataille de Cynosséma.

Si l’on veut bien comprendre l’importance de cette grande journée, qui fut pour la république athénienne, alors aux abois, ce que fut pour la nôtre la victoire de Zurich, il est nécessaire de remonter un peu le cours des événemens et de se reporter de l’année 411 à l’année 412 avant Jésus-Christ, des troubles de Samos au combat de Symé. Les Lacédémoniens, on s’en souvient peut-être, avaient, devant Symé, capturé six vaisseaux athéniens. Bien qu’ils n’eussent pas réussi, après ce combat, à s’entendre avec Tissapherne, ils n’en restaient pas moins les maîtres incontestés de la mer sur la côte de Lycie ; les Athéniens demeuraient concentrés entre Chio et Samos. Astyochos profita de sa prépondérance pour détacher Rhodes de la cause d’Athènes. Il se porta vers cette île à la tête de toute sa flotte, obtint des Rhodiens un subside de 132,000 francs, tira ses vaisseaux à terre et se tint en repos durant quatre-vingts jours. Tissapherne n’avait pas obtenu des Athéniens ce que s’obstinaient à lui refuser les délégués de Sparte; il jugea prudent de renouer ses relations avec Astyochos. A court d’argent, les Péloponésiens accueillirent sans difficulté ses ouvertures, conclurent avec lui un nouveau traité et se portèrent, dès les premiers jours du printemps, de Rhodes à Milet. Ce mouvement les rapprochait de la flotte athénienne et devait amener, pour peu que les deux adversaires s’y prêtassent, une action décisive.

Les Lacédémoniens étaient « un peuple lent, sans vivacité dans ses entreprises. » Ils mettaient généralement peu d’ardeur à poursuivre leurs avantages, mais ils avaient alors pour alliés les Syracusains, et nul peuple n’offrit plus de ressemblance avec les citoyens d’Athènes que le peuple qui habitait Syracuse. Ces auxiliaires entraînèrent Astyochos à chercher l’occasion de livrer un combat naval. Astyochos réunissait alors sous ses ordres cent douze vaisseaux ; la flotte athénienne rassemblée à Samos n’en comptait plus que quatre-vingt-deux,