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par cette facilité d’imitation qui est propre aux inférieurs en tous pays, les qualités et les défauts. Ainsi se forma une race ultra-hollandaise, insoucieuse d’humanité, prévenue contre toute innovation, ne comprenant du gouvernement que l’autorité, n’admettant l’égalité qu’entre hommes de même origine, disposée à pousser l’économie jusqu’à l’avarice par ignorance du bien-être dont elle avait toujours été écartée, laborieuse et cependant pauvre par défaut d’initiative, conservatrice et républicaine à la fois par un même impérieux besoin d’indépendance, religieuse comme au lendemain de la réforme et sans aucun des adoucissemens apportés par le siècle, et pour tout résumer d’un mot, mieux fait pour la résistance que pour l’attaque, et pour le statu quo défensif que pour la marche en avant.

La chute de ce gouvernement colonial fut une des conséquences heureuses de la révolution française. On sait comment la colonie du Cap, cédée à la Grande-Bretagne par le stathouder après la conquête de la Hollande par les armées françaises, et restituée à la paix d’Amiens, devint définitivement anglaise avec la reprise des guerres napoléoniennes. Les premières années de ce second régime colonial furent assez paisibles ; cependant il ne parait pas que les boers, tout mécontens qu’ils fussent de leur ancien gouvernement, aient jamais montré le plus petit enthousiasme pour ces nouveaux maîtres. Au premier abord il semble étrange que deux populations qui ont autant d’affinités de race et de caractère aient fait si mauvais ménage ensemble ; mais il n’est, on le sait, pires inimitiés que celles qui s’élèvent entre gens d’opinions voisines ; un gallican est assurément plus antipathique à un ultramontain qu’un réformé, et ce ne sera jamais à droite qu’un membre du centre gauche aura ses véritables ennemis. Deux portraits dont les couleurs fondamentales sont les mêmes, mais dont les tons sont contraires, donnent une image assez exacte de ce qu’il y a de différences et de ressemblances entre les deux peuples. Pour prendre le trait le plus important parmi ceux qui leur sont communs, tous deux sont républicains ; seulement, tandis que chez l’Anglais ce républicanisme et volontiers dominateur et facilement agressif, chez le Hollandais il s’arrête à un sentiment d’indépendance personnelle plus purement défensive, d’où un esprit de conservation qui s’accommode mal de ce qui le tire de ses habitudes. L’Anglais moderne qui, bien différent en cela de ses ancêtres, est pris de la fièvre des réformes, s’est donc heurté dans l’Afrique méridionale contre une population qui se refuse à être réformée, fût-ce pour son plus grand bien. Bientôt, en effet, il devint apparent que le gouvernement et le peuple étaient en dissentiment ouvert sur les deux points qui touchaient de plus près aux intérêts les plus vitaux de la colonie, l’institution de l’esclavage et