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déjeuner, étant dans la cour, j’avais vu une femme laver ce tapis et le faire sécher au soleil, sans me douter de son usage. La tête du mouton est dissimulée sous des branches fleuries de grenadier ; les hommes qui l’apportent, tenant le bâton chacun par un des bouts, ont de ces fleurs rouges piquées dans leurs turbans blancs. On passe un couteau effilé dans la longueur du rôti afin de produire des morceaux, minces comme des lanières, que chacun tire ensuite en les prenant délicatement avec ses doigts. Voyant que nous ne voulions pas nous servir nous-mêmes, le kaïd le fit pour nous de ses mains blanches et soignées. Cette viande, grillée et brûlante, nous a paru excellente. Le déjeuner fini, nous sommes allés prendre le café dans le salon ; puis les hommes de la société ont été faire la sieste en s’étendant sur les tapis de la galerie et de la salle à manger, laissant le salon à la disposition des dames. Vers trois heures de l’après-midi, la chaleur la plus forte étant passée, nous sommes tous sortis de la maison pour aller jeter un coup d’œil sur l’oasis et visiter la célèbre mosquée. La ville nous a paru assez pauvre ; le marché, composé de petites niches en maçonnerie le long d’une rue, était peu approvisionné ; des poivres rouges, de petites bourses en cuir, des mouchoirs de coton de couleur, toutes choses que le soleil ne peut gâter, étaient suspendus autour des échoppes. Des femmes, qui lavaient leurs écuelles dans les seguias, se couvrirent le visage avec un bout de leurs tuniques en nous voyant passer. De petits garçons, brunis par le soleil, avaient la tête rasée, sauf un rond de cheveux comme une brosse au-dessus du front. Je n’ai vu cette coiffure d’enfant qu’à Sidi-Okba. La température était encore excessive et dépassait certainement les journées les plus chaudes que nous avions supportées en Algérie pendant l’été.

Nous marchions lentement, précédés du cheik et de son secrétaire, qui nous guidaient. L’oasis occupe un espace étendu comprenant plutôt des jardins enclos qu’un bois de palmiers, comme à Biskra. Nous sommes parvenus à une petite rue dominée par un minaret carré. On nous a fait entrer sous une vieille arche soutenue par des troncs de palmiers portant encore leur écorce, et nous nous sommes trouvés dans une cour longue, comme un passage à ciel ouvert ; à gauche était la zaouia ou école arabe, éclairée seulement par la porte ouverte. Nous avons aperçu en passant une foule de petits garçons assis à terre, tenant sur leurs genoux une ardoise, sur laquelle étaient tracés les versets du Koran qu’ils devaient apprendre par cœur. A droite, dans une autre chambre, des voyageurs, fatigués ou malades, prenaient du repos et écoutaient les consultations médicales d’un vieux marabout. Au bout de la cour on nous a invités à entrer dans la mosquée par une ancienne porte en bois