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Les révolutions, la guerre, l’invasion avaient bouleversé la face du pays sans qu’elle eût peut-être changé de place dans son atelier. Sauf le désir de la liberté qui subsistait encore en elle, la vie morale semblait éteinte, et si elle n’avait pas eu une famille disposée à la recevoir, cette liberté eût été un don cruel. Quelques-unes, arrivées au terme d’une longue condamnation, voudraient en quelque sorte pouvoir refuser leur libération. « Où voulez-vous que j’aille ? » disait naguère l’une d’elles, et quelques jours après on la voyait revenir, condamnée pour rupture de ban, et relativement heureuse de se retrouver dans la maison. À cet inconvénient il n’y aurait qu’un remède. Ce serait la création d’une ou deux maisons intermédiaires dont le régime serait moins rigoureux, où les détenues des maisons centrales seraient transférées après plusieurs années de bonne conduite et dont après un nouveau stage elles pourraient sortir par voie de libération provisoire. Cette perspective stimulerait leurs efforts et préviendrait cet affaissement de la volonté dont j’ai parlé. Il y a là une réforme qui, si nous voyons jamais des temps plus tranquilles, devra s’imposer aux méditations du législateur.


IV

Toutes ces institutions dont j’ai parlé, et qui ont pour but de corriger en l’amendant l’enfance et la jeunesse, ont besoin d’être complétées par des institutions de patronage. C’est vainement que dans l’intérieur d’une maison d’éducation correctionnelle des efforts auront été faits pour transformer la nature d’un enfant, si à la sortie de cette maison il se trouve exposé sans défense à toutes les tentations de la vie. Cela est aussi vrai des jeunes adultes que des enfans mineurs de seize ans, et le patronage est aussi nécessaire à la porte de Poissy ou de Clermont qu’à celle de la Petite-Roquette ou de la maison de la rue de Vaugirard. Malheureusement il n’existe aucune société de patronage spéciale aux jeunes adultes, et ils ne peuvent trouver d’appui que dans les ressources générales du patronage en France, qui sont encore bien restreintes. La Société générale pour le patronage des libérés adultes, qui a été fondée il y a quelques années par un homme de bien, M. de Lamarque, compte, il est vrai, quelques jeunes gens originaires de Paris parmi ses protégés ; mais elle ne les recrute pas à Poissy plutôt qu’ailleurs. Aucune société de ce genre n’existe pour les femmes, et les jeunes filles qui sortent du quartier d’amendement de Clermont n’ont pas à compter sur une autre assistance que les efforts individuels des sœurs ou du directeur. Celles qui sortent du quartier commun des condamnées de Saint-Lazare peuvent invoquer l’assistance de la