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inutile, dont jadis l’exécution rencontrait souvent des résistances. Mais on les force à les cacher complètement sous une cornette, qu’elles doivent rabattre jusque sur le front. Pendant toute la durée de leur séjour dans la maison, les plus jeunes livrent une sourde lutte pour laisser apercevoir un étroit bandeau de cheveux blonds ou noirs qu’une discipline sévère les force incessamment à rentrer. C’est la dernière lutte de la coquetterie féminine contre la disgrâce d’un costume qui laisse apercevoir combien le vice est généralement laid. Quant aux vêtemens qu’elles viennent de quitter, ils sont soigneusement empaquetés et étiquetés pour leur être rendus au jour de leur sortie. Jusqu’à ce jour ces vêtemens sont conservés dans un magasin avec tous les objets qu’elles ont apportés avec elles, bijoux vrais ou faux, nécessaires en cuirs, vieux cabas en paille, ombrelles à manches d’ivoire, parapluies en serge rouge. Si toutes ces défroques, au lieu d’être entassées les unes sur les autres, étaient suspendues aux murailles, comme des vieilles robes dans la boutique d’une revendeuse à la toilette, elles auraient leur langage expressif, et la fausse élégance des unes comme la misère sordide des autres dirait le secret de bien des histoires. Quant aux femmes qui sont condamnées à perpétuité (il y en a aujourd’hui treize dans la maison) on n’en garde pas moins leurs vêtemens, car on sait que, sauf pour certaines détenues exceptionnellement rebelles et perverses, la perpétuité n’est qu’une menace et qu’à la fin de leur vie la grâce viendra toujours les dispenser de l’accomplissement des dernières années de leur peine.

Lorsqu’elles ont revêtu le costume réglementaire, les arrivantes passent au prétoire de justice disciplinaire, petite pièce froide et nue qui ressemble assez à une salle de justice de paix. Là, après avoir assisté à la distribution des punitions infligées par le directeur, punitions qui varient depuis la privation de cantine ou le pain sec jusqu’à la cellule et la camisole de force, et qui leur donnent une idée de la discipline étroite de la maison, elles répondent une à une à l’appel de leur nom et aux questions qu’on leur adresse. Ces questions ont pour but de permettre au directeur de se former à première vue une opinion sur le caractère de ses nouvelles pensionnaires, dont il étudie en même temps la notice individuelle, envoyée par le parquet du lieu de la condamnation, et les antécédens. De toutes ces questions, celle qui provoque les réponses les plus caractéristiques est celle-ci : A qui demandez-vous la permission d’écrire ? « À mes parens ou à mon mari, » répond l’une. « Pour savoir des nouvelles de mon enfant qui est à l’hospice, » répond l’autre en pleurant. « À personne, » dit une troisième avec indifférence. Un jour j’ai entendu faire cette réponse :