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centrales, sur l’efficacité duquel on ne sautait trop appeler l’attention de l’administration pénitentiaire.

Ces indications indispensables une fois données, entrons dans l’intérieur d’une maison centrale. Je choisirai celle de Clermont, dans le département de l’Oise, parce qu’avec la maison de Doullens c’est de tous les établissemens de cette nature celui qui reçoit le plus grand nombre de femmes condamnées à Paris. Lors de ma dernière visite, elles étaient au nombre de deux cent soixante-quatre dont vingt-deux âgées de moins de vingt et un ans, et trente-neuf âgées de moins de vingt-cinq ans. La maison centrale de Clermont est située sur remplacement d’un ancien château féodal dont une partie est encore debout. De toutes les fenêtres de la maison qui ne donnent pas sur les préaux intérieurs, on découvre un paysage très étendu et très varié. Je serais étonné si, dans les ateliers qui ont vue sur le dehors, la place située près de la fenêtre n’était pas la plus enviée. Dans ces existences dont, nous le verrons tout à l’heure, la monotonie fait surtout la sévérité, c’est beaucoup que de voir verdir les arbres, jaunir les blés et surtout passer le chemin de fer. Loin que ce soit pour elles, comme le disait un haut personnage en visitant la maison, le supplice de Tantale, c’est au contraire un certain adoucissement à leur captivité que le spectacle même furtif des choses extérieures. De l’aménagement intérieur de la maison, il y a peu de chose à dire, sinon que les dortoirs sont étroits par rapport au nombre de lits, et les plafonds de ces dortoirs trop bas. Il en est de même de l’infirmerie, reléguée avec raison dans un bâtiment spécial. Mais néanmoins l’excellente situation de la maison, construite au sommes d’une colline qui domine une plaine extrêmement salubre et énergiquement ventilée, maintient la mortalité à un niveau très bas. La maison, environnée de grands arbres, n’a point non plus extérieurement un aspect trop sévère, et la rareté des tentatives d’évasion dans les prisons de femmes permet de ne pas multiplier partout les barreaux et les grilles.

Les femmes arrivent dans cette maison par fournées de dix ou quinze, transférées en voitures cellulaires des différentes prisons départementales. Elles entrent dans la maison avec le costume qu’elles portaient dans la vie libre, l’une avec la jupe de soie dont elle a balayé les trottoirs du boulevard, l’autre avec la robe d’indienne qu’elle mettait le dimanche, pour aller peut-être à la messe. On leur fait quitter leurs vêtemens et prendre un bain toujours utile parfois nécessaire, au sortir duquel elles revêtent l’uniforme de la maison, composé d’une jupe et d’un épais corsage de laine grise qui laisse à peine apercevoir la taille. On ne coupe point comme autrefois leurs cheveux ; ce serait là une mesure de vexation