Page:Revue des Deux Mondes - 1879 - tome 32.djvu/840

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

long de cette barrière fictive suffit pour faire respecter la séparation.

C’est une des particularités de cette maison, comme au reste de toutes les maisons religieuses, que la facilité avec laquelle l’obéissance y est obtenue. Pour maintenir l’ordre et la soumission dans cette population de petites rôdeuses, dont quelques-unes sont devenues de grandes filles, il suffit de punitions enfantines : un fichu retourné, un bonnet mis d’une certaine façon ; la cellule de punition n’existe plus guère qu’à l’état de moyen d’intimidation. Mais ce qui a un grand empire sur les enfans, ce sont les récompenses distribuées sous forme de cordons bleus, verts ou rouges dont l’attribution est fort enviée. Ce goût si français de la décoration se retrouve partout, même parmi les jeunes détenues. Ces petits moyens plus ou moins ingénieux ont peut-être cependant moins d’efficacité que l’influence personnelle des sœurs et leur action ferme et douce qui fait bientôt plier les plus rebelles. Il y a quelques années, une jeune fille qui était en prévention à Saint-Lazare avait dû être transportée à l’hôpital de Lourcine pour y être soignée d’un assez triste mal. Elle n’avait pas tardé à mettre en révolution la salle où elle avait été reçue. Directeur, internes, surveillantes laïques, personne ne pouvait en venir à bout, et son départ était demandé à cor et à cri. Après sa condamnation, elle fut confiée à la Société de patronage, et comme au bout de quelque temps le directeur de l’administration pénitentiaire s’informait si les sœurs avaient pu en venir à bout, il fut étonné d’apprendre qu’après quelques jours écoulés elle s’était pliée à la règle de la maison et ne se signalait par aucun acte d’insubordination.

L’organisation très active du travail vient également en aide au maintien de la discipline. Cette activité est nécessaire pour faire vivre la maison, car ce n’est pas avec la subvention de 60 centimes par jour et par tête d’enfans qu’elle pourrait couvrir ses frais, lorsque cette subvention suffit à peine à des maisons situées en province. La principale occupation des jeunes filles consiste en des travaux de couture fine qui sont livrés à des maisons de confection et payés fort cher en raison de leur perfection. On s’efforce cependant, bien que moins complètement que cela ne serait peut-être désirable, de faire passer les jeunes filles avant leur sortie par tous les services de la maison : raccommodage, buanderie et cuisine. Aussi, au lieu de faire de toutes ces jeunes filles d’éternelles couturières destinées à se faire les unes aux autres dans un métier peu lucratif une concurrence ruineuse, l’œuvre parvient-elle à en placer un certain nombre comme servantes dans des familles sûres, et ce ne sont pas les demandes qui font défaut. La tâche de l’éducation n’est pas en effet considérée comme terminée lorsque