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victimes plus ou moins facilement vaincues des tentations et de la misère. Ce traitement varie naturellement suivant leur âge et leur situation légale ; c’est à Saint-Lazare que nous retrouverons les prévenues, quel que soit leur âge, les femmes âgées de plus de seize ans qui sont condamnées à moins d’une année d’emprisonnement, et les jeunes filles âgées de moins de seize ans qui sont condamnées ou envoyées en correction pour un temps n’excédant pas six mois. Les jeunes filles dont la détention doit excéder six mois sont réparties entre différentes maisons d’éducation correctionnelle dont une seule est située à Paris. Enfin les femmes âgées de plus de seize ans et condamnées à la peine d’une année d’emprisonnement ou à toute autre plus grave sont envoyées dans les maisons centrales et en particulier dans celle de Clermont. Nous visiterons successivement ces différens établissemens, sur le compte desquels il y a beaucoup à dire en bien comme en mal.


I

Ce n’est pas la première fois que j’ai l’occasion de conduire mes lecteurs dans l’ancien couvent des lazaristes, où l’on montre encore avec respect l’oratoire de saint Vincent de Paul, et dont les hautes murailles enserrent aujourd’hui une population si différente de celle qu’elles abritaient autrefois. Mais, dans notre première visite, nous ne nous sommes introduits que dans cette portion de la maison qu’on appelle la deuxième section, et qui est affectée aux femmes détenues pour contravention aux règlemens sur la police des mœurs ou soignées dans l’intérêt de la santé publique. Nous allons cette fois pénétrer dans la prison proprement dite, qui contient trois quartiers, celui des prévenues, celui des condamnées, et le quartier d’éducation correctionnelle. Cet entassement sous un même toit de femmes et de jeunes filles appartenant à des catégories aussi différentes que celle des deux sections n’est pas un des moindres inconvéniens de la prison de Saint-Lazare. Au point de vue financier, on peut se demander s’il est tout à fait équitable que l’état supporte sur son budget la dépense municipale et hospitalière qu’entraîne l’exécution des arrêtés sur la police des mœurs. Au point de vue matériel, les femmes détenues dans la deuxième section occupent des locaux très bien aménagés, qui seraient indispensables pour installer d’une façon convenable les femmes renfermées dans la première. Enfin, au point de vue moral, ce mélange de toutes les catégories communique en quelque sorte aux unes quelque chose de la souillure des autres. Sans doute, la