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littoral. A Londres, les villes prussiennes faisaient le tiers du commerce hanséatique. C’est une autre preuve de leur richesse et de leur puissance qu’elles aient été tenues de fournir le tiers de l’effectif militaire de la Hanse dans les rudes guerres qu’elle faisait aux pirates et aux rois du nord. D’ailleurs les monumens prouvent encore aujourd’hui la grandeur d’autrefois, et les hôtels de ville des cités prussiennes ne sont pas moins remarquables que les églises et les châteaux des chevaliers.

L’ordre s’enrichit en même temps que ses sujets et par les mêmes moyens. Grand consommateur et grand producteur, il est aussi un marchand dont les relations commerciales sont très étendues. Le grand Schäffer, qui réside auprès du grand maître, est une sorte de ministre du commerce, et il y a un Schäffer par commanderie. Ces officiers envoient des commissionnaires dans tous les centres de commerce et ils ont un capital d’exploitation considérable : celui de Marienbourg tient en réserve pour ses opérations une somme dont la valeur relative est de 4,320,000 francs. La grande indépendance laissée aux commandeurs favorise l’activité commerciale : le commandeur est soumis à l’inspection des visiteurs de l’ordre et révocable ; mais les exemples de révocation sont rares, et, tant que l’officier reste en charge, il est dans sa circonscription comme un petit souverain, ayant son trésor propre sur lequel il acquitte les dépenses locales, et accumulant les économies. Quand il meurt ou qu’il sort de charge, ces économies sont portées à. Marienbourg. Dans la chrétienté entière, on croyait qu’il n’existait pas de plus riche trésor que celui des chevaliers, et les croisés qui traversaient la Prusse pour se rendre en Lithuanie admiraient la prospérité d’un pays où tout le monde travaillait en paix, où les salaires, comme en toute terre neuve et féconde en travail, étaient très élevés, et où chaque année voyait s’élever une nouvelle ville et de nouveaux villages. Des chevaliers venus de Metz en 1399 rapportent qu’ils ont vu en Prusse trois mille sept villes ! C’est qu’ils ont pris pour des villes les riches villages des Werder et du Culmerland ; on pouvait s’y tromper en effet, car les registres où sont inscrits les dommages causés aux villages brûlés pendant les guerres de 1411 et de 1414, avec l’indication précise des prix du bétail et des grains détruits, nous apprennent que certains d’entre eux ont perdu des sommes qui équivalent à 200,000 francs.


IV

Le principal objet de l’admiration des étrangers était sans aucun doute la force militaire des teutoniques. L’ordre avait une flotte de