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mettre à l’œuvre sous l’aiguillon de M. le ministre des travaux publics qui tient à ses grands projets. La vérité est que depuis ces deux mois nous vivons dans une atmosphère absolument factice et que de toutes ces questions qui se sont succédé, qui s’agitent encore, qui résument la politique du moment et qui en sont l’embarras, il n’en est pas une qui n’eût pu être évitée ; il n’y en a pas une seule qui ait répondu à un mouvement d’opinion, à une nécessité évidente, qui n’ait été l’artifice violent ou captieux de l’esprit de parti impatient de bruit et d’agitation.

On a eu d’abord l’amnistie, et assurément cette question de l’amnistie, qui est devenue un moment un embarras, n’avait rien de nécessaire. Elle ne s’imposait pas, elle ne passionnait pas le pays qui, malgré toutes les excitations, est resté jusqu’au bout assez froid. La majorité des chambres se serait peut-être bien passée d’avoir à la discuter, et le gouvernement, même le gouvernement nouveau, se serait passé, lui aussi, d’avoir à la résoudre. Le nouveau gouvernement, laissé à sa seule inspiration, se serait probablement contenté du premier projet qui avait été préparé par M. Dufaure, qui, en étendant libéralement les grâces, suffisait à faire la part de l’humanité sans désarmer la justice sociale. N’importe, il a fallu, sous la pression artificielle des partis, aller au delà au risque d’une crise où le ministère aurait pu succomber, et de débats passionnés qui à coup sûr ne répondaient ni à un vœu de l’opinion ni à un intérêt national. — On a eu ensuite la proposition de mise en accusation des ministres du 16 mai, et, s’il y avait ici dans les chambres le ressentiment, le souvenir amer d’une période de lutte violenté, on peut dire que deux années écoulées, les votes successifs du pays, la transformation de tous les pouvoirs avaient tranché la question. C’était là le seul jugement possible. Le reste n’était plus qu’une représaille rétrospective compromettante pour la paix publique, pour la position du nouveau gouvernement devant l’Europe. — On a aujourd’hui enfin le retour du parlement à Paris qui nécessite avant tout une révision d’un article de la constitution par les deux chambres réunies en congrès. C’est une étape nouvelle dans cette carrière où s’épuisent tous les pouvoirs. La chambre des députés s’est déjà prononcée pour la révision de la constitution et pour le retour à Paris. Le sénat ne s’est point décidé jusqu’ici, il ne se décidera officiellement que demain par son vote ; mais il s’est prononcé jusqu’à un certain point contre la rentrée par la majorité d’une de ses commissions, par un rapport ingénieux de M. Laboulaye. Voilà encore une question de l’ordre le plus délicat, qui prend une gravité inattendue et qu’on aurait pu peut-être s’épargner.

Assurément à un point de vue supérieur, cette rentrée des chambres à Paris, qui est redevenue un objet de discussions passionnées, presque une occasion de conflit, est toujours désirable. Si elle s’était accomplie