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M. Klee est sévère, vraiment impitoyable pour notre siècle ; il ne lui accorde rien. Au lendemain de Villafranca, M. de Cavour disait dans un mouvement d’humeur : « On ne peut nier que l’humanité dans son ensemble n’ait progressé, mais quant à ce coquin d’homme, je ne crois pas qu’il ait fait aucun progrès. » M. Klee estime que non-seulement « ce coquin d’homme » vaut encore moins qu’il n’a jamais valu, mais que l’humanité dans son ensemble fait fausse route, qu’elle a quitté le droit chemin pour s’engager dans les sentiers qui mènent aux abîmes, qu’elle s’est laissé dévoyer par le père du mensonge, que nos lois, nos institutions sont une œuvre de ténèbres, que les prétendus principes sur lesquels repose la société moderne sont de monstrueuses et fatales erreurs, dont nous devons faire pénitence dans le jeûne et dans le cilice, dans le sac et dans la cendre. C’est la révolution française qui a causé tout le mal ; elle a détruit les traditions, elle a tué le respect, elle a porté des mains profanes et sanglantes sur le trône et sur l’autel. Elle a répandu dans tous les esprits de chimériques idées de fausse justice, de vaine égalité, de liberté impie et criminelle ; les peuples, abusés et séduits, ont désappris l’obéissance, ils se sont persuadé qu’ils avaient voix au chapitre dans les conseils où se règlent leurs destinées, qu’ils s’appartenaient, qu’ils étaient leurs propres maîtres et leurs propres souverains, et le troupeau a sommé son berger de lui rendre ses comptes, oubliant que les bergers ne sont tenus de compter qu’avec le ciel. M. Klee répète après Joseph de Maistre que la révolution française a un caractère satanique, qu’elle est mauvaise radicalement, la pure impureté, une guerre faite à Dieu ; il s’écrie avec de Bonald qu’elle est le mal élevé à la plus haute puissance et l’ordre dans le bouleversement. Les principes de 89 ont perverti et empoisonné le monde, et le corps social est travaillé par de funestes maladies, auxquelles nous ne tarderions pas à succomber, si le ciel, touché de nos malheurs, n’avait confié le soin de nous guérir à un grand médecin, doué d’un pouvoir presque miraculeux, expert dans tous les genres de recettes, qui emploie avec la même dextérité le fer et le feu ou les moyens doux, et qui s’appelle le prince de Bismarck. Grâce à ses cautères, à ses ventouses et à ses juleps, nous ne périrons point. Il réunit toutes les qualités nécessaires à l’accomplissement de sa tâche. « Il y a en lui un soldat doublé d’un féal royaliste et d’un parfait chrétien… C’est un homme coulé d’un seul jet, qui unit à un caractère ferme comme un rocher et aux qualités les plus éminentes de l’esprit un cœur profondément croyant, un homme qui a rétabli dans leurs droits le principe d’autorité et les vieilles traditions politiques, un homme qui tient également pour sacrées les traditions religieuses, qui a placé sa confiance en Dieu et qui n’a entrepris et accompli sa grande mission que dans une pensée de foi. »

Nous avons dit que le docteur Klee est un peu mystique, et les