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passage réservé aux navires à travers ces dangers a en effet « ne fatale tendance à s’engorger, malgré les chasses produites par le va-et-vient des marées. Tout travail d’amélioration du fleuve qui en réduirait le débit exposerait donc les passes extérieures à une fatale obstruction, devant laquelle toutes les forces humaines resteraient impuissantes.

A l’intérieur du fleuve, les dépôts de sable commencent à se former dès que l’élargissement du lit ralentit les courans et amortit les vagues. Les bancs sous-marins augmentent donc de relief à mesure que l’agitation de la mer s’affaiblit en s’avançant dans le fleuve. Les premiers se montrent seulement à basse mer ; d’autres atteignent le niveau moyen des marées. Plus en amont, il en est qui sont assez élevés au-dessus des eaux ordinaires pour se couvrir de quelques plantes marines. Celles-ci activent le colmatage des vases, et favorisent ainsi l’exhaussement des dépôts. Survient l’homme qui endigue les bords et assainit le marais : voilà une île toute créée.

Ces îles se montrent surtout nombreuses vers le Bec-d’Ambès, où la rencontre des deux rivières trouble les courans et produit des eaux mortes si favorables aux alluvions. Les îles s’alignent vers le milieu du fleuve, en formant une sorte de prolongement du Bec, sur une longueur de plus de 20 kilomètres. cette disposition montre les tendances des deux rivières à séparer leurs eaux ; elle donne une utile indication pour les travaux d’amélioration.

La plus ancienne carte de la Gironde que l’on connaisse se trouve au Musée britannique ; elle fut dressée, vers 1592, par l’amiral Brodgton, qui assiégeait Blaye avec une escadre anglaise. Cette carte ne porte qu’une seule des îles de la Gironde, celle de Patiras ; quant aux autres, elles sont indiquées comme de simples bancs à peine découverts à basse mer.

La masse énorme de sables et de vases accumulée sans cesse dans le cours maritime du fleuve y causerait des atterrissemens encore plus considérables, s’il ne se produisait pas une élimination partielle de ces matériaux. A force d’être roulés par le va-et-vient alternatif des courans de marée, les cailloux se changent en graviers, puis en sables, qui se réduisent eux-mêmes à l’état de poudre tellement ténue qu’elle reste en suspension dans l’eau. Alors le courant l’emporte au large, où il la laisse se déposer à tout jamais dans les profondeurs de la mer. Une part des sables mobiles du lit du fleuve est rejetée par la houle sur les grèves de la rive droite, d’où le vent les emporte sur les dunes intérieures qui couronnent la plupart de ces grèves.

L’œuvre de l’homme, imprévoyante et parfois inconsciente, a contribué à aggraver l’ensablement du fleuve, soit en gênant le