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En mai 1846, le président Polk, dans un message officiel, annonçait au congrès que les troupes mexicaines avaient envahi le territoire des États-Unis et mis à mort des citoyens américains inoffensifs. Il demandait un vote l’autorisant à lever et équiper cinquante mille volontaires. Il l’obtint, 50 millions furent mis à sa disposition, et trois cent mille volontaires répondirent à son appel. L’élan était donné. Kearney conquit le Nouveau-Mexique, Stockton et Frémont s’emparèrent de la Californie, pendant que le général Scott, remplaçant Taylor, dont on punissait les hésitations, marchait sur Mexico, où il entrait en septembre 1847 à la tête de son armée victorieuse. Le 2 février 1848, le traité de Guadelupe-Hidalgo cédait aux États-Unis la partie contestée du Texas, tout le Nouveau-Mexique, la haute et la basse Californie. Les prédictions de Monroe s’accomplissaient. Les États-Unis reculaient jusqu’à l’Océan-Pacifique les limites de leur empire. Quelques jours encore, et la découverte de l’or sur les rives du Sacramento allait étonner le monde surpris de tant d’audace et de succès si prodigieux. Ils l’étaient en effet et l’on a rarement vu plus de talent au service d’une cause plus douteuse. Là brillèrent au premier rang des hommes jusqu’alors inconnus et qui devaient bientôt s’illustrer sur d’autres champs de bataille et dans des camps adverses : Grant et Lee, Mac-Clellan et Beauregard, Hill, Jackson, Hooker, Sherman, Davis. Les chefs du nord et les défenseurs du sud, ralliés sous un même drapeau, combattaient alors côte à côte. Quinze ans plus tard, ils devaient se mesurer à Bull’s Run, Fairoaks, Antietam, Frederiksburg, et se disputer, les armes à la main, le droit de disposer des destinées d’une république dont ils portaient si haut la fortune et la grandeur.

Encore une fois le sud triomphait. Sa politique habile, dirigée par des hommes d’état éminens, servie par des officiers jeunes et hardis, affirmait la force de l’Union et doublait l’étendue de son territoire. Les nations ont parfois de ces audaces heureuses auxquelles tout sourit et tout cède. La France, sous la république et le premier empire, la Prusse depuis Sadowa, ont connu ces heures où tout oser c’est tout pouvoir. Elles sont courtes, il est vrai, et suivies de retours imprévus qui déjouent les prévisions les plus habiles. Les États-Unis en firent l’épreuve. La paix conclue, il leur fallait organiser en territoires ces vastes provinces si rapidement conquises et préparer leur admission en qualité d’états à esclaves. Mais dans le nord un parti politique nouveau s’organisait et ralliait à lui de nombreux adhérens. Depuis 1820, le courant de l’émigration avait considérablement augmenté. De huit mille, il s’élevait jusqu’à deux cent mille émigrans par année et se dirigeait presque exclusivement vers les états du nord et de l’ouest, auxquels