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rivalité et les haines ardentes qui séparaient alors l’Angleterre et la France avaient leur contre-coup dans le Canada. Les gouverneurs anglais, Drummond, Sherbrooke, Richmond, Maitland et Dalhousie, imbus des idées et des passions de leur temps, s’irritaient de l’opiniâtre affection que la colonie conservait pour la France. Leur politique, tour à tour insidieuse ou brutale, aliénait les anciens colons qui, systématiquement tenus à l’écart des emplois publics, se sentaient menacés dans leurs libertés civiles et religieuses, et auxquels on voulait imposer une langue qui n’était pas la leur, contrairement aux stipulations du traité de cession. Dans le parlement anglais, Hume et O’Connell soutenaient avec éloquence la cause du Canada, dont l’Angleterre, disaient-ils, prétendait faire une seconde Irlande. Ainsi que l’Irlande, le Canada était catholique, l’une et l’autre réclamaient le droit de self-government. La voix retentissante du grand agitateur trouvait, au Canada comme en Irlande, un écho fidèle ; les mécontens se groupaient, plus irrités, plus menaçans chaque jour, et les chefs du parti populaire, Viger, Cuvillier, Papineau, redoublaient d’efforts pour prévenir un conflit imminent.

Bien décidé à maintenir son autorité, le gouvernement anglais ne redoutait pas un soulèvement dont il aurait facilement raison et qui autoriserait des mesures énergiques. Laissés à eux-mêmes, les Canadiens étaient impuissans à secouer le joug ; mais les États-Unis ne viendraient-ils pas à leur aide ? Cette incertitude pesait sur ses décisions, et de 1820 à 1837, la politique de l’Angleterre vis-à-vis de sa colonie s’inspira des raisons de craindre ou de se rassurer que faisait naître l’attitude de l’Union. Les états du nord estimaient que le moment était venu d’offrir un appui décisif au Canada. Le président et son cabinet, soutenus par le congrès, résistaient à ces sollicitations et cherchaient à détourner l’attention sur les embarras du Mexique, dont le sud entendait tirer parti pour briser les barrières qui s’opposaient à son extension.

En 1836, un aventurier de la Virginie, Sam Houston, envahissait le Texas à la tête de bandes de flibustiers recrutées dans les états du sud, proclamait l’affranchissement de cette province mexicaine et son annexion aux États-Unis. Santa-Anna, président du Mexique, entrait en campagne, reprenait possession de la forteresse d’Alama, dont il massacrait les défenseurs, et anéantissait à Goliad un corps détaché dont les survivans étaient mis à mort. Peu après, il rejoignait à San-Jacinto Sam Houston, qui n’avait que huit cents volontaires à opposer à sept mille hommes de troupes régulières. Acculé et forcé d’engager une lutte disproportionnée, Sam Houston chargea les Mexicains avec tant de vigueur qu’ils