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traitant l’Indien comme une bête fauve et ne reconnaissant d’autres lois que celles de la force.

Dans le sud, la Louisiane française et le Mexique espagnol barraient le chemin. En 1803, on acheta la Louisiane moyennant 80 millions. La France évacuait définitivement le Nouveau-Monde. L’empereur vendait ce qu’il estimait ne pouvoir conserver à la veille d’une guerre avec l’Angleterre. En signant le traité de cession, il disait à M. de Marbois : « Cet accroissement de territoire consolide à jamais la puissance des États-Unis. Je suscite à l’Angleterre une rivale qui, tôt ou tard, lui arrachera le sceptre des mers. » L’acquisition de la Louisiane donnait en effet aux États-Unis l’embouchure du Mississipi, la possession absolue du plus grand fleuve de l’Amérique septentrionale, la prépondérance dans le golfe du Mexique et la possibilité d’intervenir dans les affaires de la colonie espagnole, qui, sept ans plus tard, proclamait son indépendance.

Entre le Mexique et les États-Unis, la ligne de frontières, très étendue et mal définie, pouvait en effet, à un moment donné, amener des conflits et préparer l’annexion de nouveaux territoires. En attendant cette occasion favorable, on détachait le Kentucky de la Virginie, le Tennessee de la Caroline du sud, et de deux états à esclaves on en faisait quatre. Le Mississipi, l’Alabama et l’Arkansas entraient dans l’Union et venaient grossir la majorité du sud.

Les progrès du nord étaient plus lents. Dans le même espace de temps, il avait colonisé et fait admettre les états de Vermont, d’Ohio, d’Illinois et du Maine. Le sud maintenait sa prépondérance. Maître du sénat et de la chambre des représentans, il l’était aussi du pouvoir exécutif. Sur les dix premiers présidens de l’Union, huit sont des hommes du sud, et six appartiennent à la Virginie, surnommée « la mère des présidens. » On allègue souvent que la forme républicaine est incompatible avec une politique traditionnelle et que les changemens fréquens de personnes sont, pour un état, une cause irrémédiable d’infériorité. On estime que les grandes entreprises, la suite dans les idées, la persévérance dans les desseins exigent l’hérédité du pouvoir dans une même famille, et qu’un président élu pour quatre ans est forcément sans influence à l’intérieur et sans crédit auprès des puissances étrangères. A quelque point de vue que l’on se place pour étudier l’histoire des États-Unis, et quelles que soient les idées préconçues que l’on apporte dans cette étude, on est forcé de reconnaître que cette théorie est démentie par les faits. Depuis un siècle et sous vingt-trois présidons différens, la république américaine a poursuivi son but à travers des fortunes diverses. En dépit de d’instabilité prétendue des institutions, elle a conquis son rang parmi les grandes