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d’aujourd’hui que la question est à l’ordre du jour. Déjà, dans les dernières années de l’empire, l’administration avait été frappée de la nécessité de concentrer ses efforts et ses ressources sur quelques points déterminés au lieu de les partager, suivant une proportion rigoureuse, entre toutes nos facultés. L’exemple des pays étrangers, la prospérité de leurs universités, l’état d’infériorité de notre enseignement supérieur, constatés dans vingt travaux et rapports émanés des hommes les plus compétens et de nos agens diplomatiques, tout se réunissait pour pousser le gouvernement dans cette direction, et quand la guerre éclata il allait s’y engager ; le sénat était saisi de deux projets de loi sur l’organisation et la liberté de l’enseignement supérieur, deux choses qui s’impliquent l’une l’autre et qu’on n’aurait jamais dû séparer. Après la guerre, après le vote de la loi du 12 juillet 1875, la nécessité de la réforme qui s’imposait au gouvernement impérial est devenue plus manifeste encore. De véritables universités, formées de la réunion des quatre facultés de droit, de médecine et pharmacie, des sciences et des lettres, ont surgi sur plusieurs points à la fois, ou sont en voie de formation à Paris, à Lille, à Toulouse, à Angers, à Lyon. Sur ces cinq points, la lutte est désormais engagée entre l’enseignement supérieur libre et l’enseignement supérieur public. Le parti catholique possède aujourd’hui cinq corps d’armée universitaires, admirablement disciplinés, pourvus de ressources inépuisables et soutenus par d’ardentes sympathies. Devons-nous continuer d’opposer à ces corps d’armée des régimens isolés, c’est-à-dire de pauvres établissemens placés dans des conditions désavantageuses, sans lien et sans appui mutuel entre eux, condamnés par leur situation même à traîner dans la médiocrité leur obscure existence ? Évidemment non, l’Université doit, à peine de se voir distancée, modifier son organisation d’après ces données nouvelles.

Quand Napoléon Ier fonda l’Université de France, en 1808, il était moins urgent de créer dans quelques villes privilégiées de grands foyers intellectuels que d’organiser sur tous les points du territoire un enseignement d’état. L’unité morale et intellectuelle de la France était à ce prix. Il importait que la jeune génération née pendant la grande tourmente révolutionnaire fût soumise à une discipline et à une éducation commune. C’était le seul moyen d’effacer dans le cœur des enfans la trace des discordes et des luttes sanglantes qui avaient si longtemps partagé les pères en deux camps. Dans la pensée de l’empereur, l’Université de France devait être comme le creuset où les passions, les idées, les préjugés, les croyances et les traditions de l’ancien régime viendraient se fondre et s’amalgamer avec les principes de 1789. Aujourd’hui, grâce à Dieu, ce travail de fusion, qui a longtemps été la raison d’être et l’honneur de notre