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Il était difficile que l’administration centrale se livrât, dans ces conditions précaires, à des travaux un peu suivis ; ce qu’une main eût ébauché, une autre main l’eût défait. Ainsi l’honorable M. Waddington avait élaboré un projet qu’il était à la veille de soumettre aux chambres ; ce projet avait été précédé d’une enquête à laquelle avaient pris part toutes les facultés de France, les recteurs, les inspecteurs généraux et un certain nombre de personnes désignées par leur compétence dans les questions d’instruction publique. Il y avait là de précieuses indications ; pour la première fois, croyons-nous, on avait eu l’idée de consulter tous les intéressés : ils avaient pu rédiger leurs cahiers, on connaissait leurs vœux ; bref, il semblait que l’on possédât tous les élémens d’une bonne loi, quand survint le 16 mai. L’occasion était manquée. Six mois se passent ; les élections du 14 octobre ramènent un ministère républicain aux affaires, mais elles ne ramènent pas M. Waddington à l’instruction publique. C’est un nouveau venu dans l’Université qui est appelé à recueillir la succession du magistrat qui avait été mis à la tête. Nouveau délai, nouvelles hésitations, qui durent encore.

Il serait grand temps, en vérité, que le ministère de l’instruction publique cessât de servir ainsi d’appoint dans les combinaisons parlementaires. On ne sait pas assez le mal que font à l’Université ces perpétuels changemens ; à peine un ministre a-t-il fait son apprentissage, qu’on se hâte de lui donner un successeur auquel il faut naturellement plusieurs mois pour se mettre au courant. Cependant le temps passe, les facultés catholiques se fondent et se développent, elles nous prennent à Paris seulement près de deux mille élèves, et le projet de loi promis par le législateur de 1875, élaboré par M. Waddington, amendé par M. Bardoux, et probablement contre-amende par le ministre actuel, n’a pas encore vu le jour[1].

Il semble pourtant qu’après la grande enquête de 1868, complétée par M. Waddington en 1875 et par la publication de la nouvelle statistique en 1878, l’hésitation ne soit plus permise. Cette triple instruction a mis on lumière un certain nombre de points sur lesquels il serait facile de faire porter les améliorations jugées nécessaires dont il est question dans la loi du 12 juillet 1875. Au nombre de ces améliorations figure en première ligne la création d’universités complètes, ou plutôt de centres universitaires dans un certain nombre de villes que leur population, leur importance et leur situation géographique semblent appeler à cet honneur. Ce n’est pas

  1. Depuis que ces lignes ont été écrites, M. Jules Ferry a bien déposé deux projeta de loi sur le conseil supérieur de l’instruction publique et sur la liberté d’enseignement ; main ces deux projets laissent complètement en dehors la question même de la réforme de notre enseignement public.