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pour ne citer qu’un exemple, le plus scandaleux, il n’y avait jusqu’à ces derniers temps que deux professeurs d’histoire à la Sorbonne : l’un pour l’antiquité, l’autre pour les temps modernes. Le moyen âge n’avait pas de chaire spéciale, alors qu’il en compte trois ou quatre dans la dernière des universités allemandes. Pour porter remède à cet état de choses, l’administration a fondé 175 nouvelles chaires, 42 cours complémentaires, et 47 conférences qui n’existaient pas en 1867. L’économie politique, qui ne possédait que deux chaires officielles, l’une au Collège de France, l’autre à la Faculté de droit de Paris, est aujourd’hui professée dans la moitié de nos facultés de droit ; le droit commercial, le droit des gens, la législation industrielle, le droit féodal et coutumier ont pris place à côté de l’enseignement traditionnel du droit civil et du droit romain. Dans les sciences, où plus que partout la spécialisation est devenue nécessaire, des branches d’enseignement qui avaient été complètement négligées jusqu’à ces dernières années sont désormais en possession de plusieurs chaires. Dans l’ordre des lettres, l’histoire, la philologie, les antiquités grecques et latines et les langues méridionales se sont également enrichies ; enfin un grand nombre de lacunes ont été comblées. Nous ne sommes pas encore au même point que les universités allemandes, que Berlin par exemple, où le seul programme de la faculté de philosophie comprenait en 1869 vingt-quatre heures de cours chaque semaine, sur l’économie politique, les finances, l’administration, la police et l’agriculture ; mais nous nous rapprochons du but, et l’on peut déjà l’entrevoir.

L’institution des conférences et des cours complémentaires a eu un autre résultat. Elle a contribué et elle contribuera dans l’avenir à imprimer une direction plus scientifique à notre enseignement supérieur. Dans les universités allemandes, il est rare qu’un professeur obtienne et cherche le succès avec ces grandes leçons d’apparat qui sont dans nos mœurs universitaires, et où ont brillé, où brillent encore tant d’hommes éminens. Sauf de très rares exceptions, l’enseignement consiste en dissertations d’un caractère tout didactique, où le souci de la forme et de l’art ne se fait jamais sentir. Les maîtres ne s’adressent pas, comme chez nous, à des auditoires de passage ; ils n’ont en face d’eux que des élèves venus pour s’instruire et non pour chercher un passe-temps. Dans nos facultés, au contraire, le public est complètement disparate et varie suivant les saisons et la température. Pour un élève, on compterait bien dix passans aux cours les plus suivis de la Sorbonne et du Collège de France. Les dames même y sont admises, et ne laissent pas d’ajouter à la difficulté de la tâche imposée par l’usage à nos professeurs. Un pareil auditoire serait nécessairement rebuté par